Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Urdos. Les gendarmes de la brigade pendant l’occupation et lors des combats de la libération.

Après la Libération, un cadre des MUR (3ème secteur) transmet à H. Baradat, qui le lui a demandé, un rapport sur le comportement des gendarmes de la brigade d’Urdos, pendant l’occupation et lors des combats de la libération en vallée d’Aspe.

Transcription du rapport communiqué à H. Baradat, président du CDL, le 19 juin 1945.

Le 19.6.45

Mon cher Baradat

Vous avez exprimé le désir de posséder une documentation précise et objective concernant l’activité résistante et patriotique de la brigade de gendarmerie d’Urdos durant l’occupation allemande.

Je vous transmets ces renseignements par simple lettre. Mais, si pour les besoins de vos services il y avait lieu de les transformer en rapport du lieutenant chef FFI au capitaine SGSR, afin de leur conférer un caractère militaire ou administratif, une simple frappe, supprimant ce préambule, suffira à opérer la transformation.

La brigade de gendarmerie d’Urdos fut commandée pendant l’occupation allemande par le Chef Haurie de novembre 1942 à septembre 1943, par le gendarme Bareilles d’octobre 1943 à décembre 1943 et par l’adjudant Richon de janvier 1944 à août 1944.

Le chef Haurie eut l’avantage d’avoir sous ses ordres des gendarmes jeunes, sortant de l’école de gendarmerie. Ces jeunes gens pleins d’ardeur, épris de leurs nouvelles fonctions auraient dû faire des gendarmes excellents , face à l’occupant, s’ils avaient été bien conseillés et bien dirigés. Mais, soit que le chef Haurie n’ait pas compris où résidaient les devoirs patriotiques ou soit qu’il ait obéi à des ordres supérieurs, il dressa sa brigade contre l’intérêt des villages de son secteur, contre le ravitaillement familial, contrôles du cheptel, des déclarations agricoles, procès verbaux et mesures vexatoires se sont succédés à un rythme soutenu sans tenir compte des besoins et des difficultés de ravitaillement de la population. Il est vrai que les gendarmes célibataires trouvaient côtelettes, œufs, fromage, repas copieux et substantiels chez leur restaurateur, Monsieur Beilhes à Urdos.

Les troupes allemandes, elles-mêmes, arrivaient à se ravitailler mais les gendarmes n’intervenaient pas contre elles, ni même contre les vendeurs.

Durant ce commandement, des Français qui ne possédaient pas de laisser-passer allemands pour se rendre en zone réservée furent arrêtés par cette brigade, emprisonnées et verbalisés.

Monsieur Loustaudaudine d’Eygun fut dans ce cas. D’ailleurs, le registre journal de la brigade apportera toutes les preuve justificatives.

Des réfractaires STO se rendant en Espagne afin de se mettre à la disposition des forces françaises combattantes furent arrêtés par les gendarmes Carazet (hors service) et Bareilles. Ce sont : Cuyola Jacques né le 21.5.20 à Gan, Cuyala Fernand né le 12,7,21 à Gan, Dugay Robert né le 8,4,11 à Bruges (Gironde), Niaussat Roger né le 12,10,16 à St-Armand (Dordogne), Biencart Henri né le 13,2,24 à Mont-de-Marsan et Bourgeois Gabriel né le 23,12,19 à Mont-de-Marsan.

La chasse eux réfractaires fut organisée et des menaces de représailles contre les familles du pays furent proférées.

Il est à signaler que les gendarmes Sibers et Barbier de la brigade surent allier les sentiments patriotiques et résistants avec les nécessités de leur service et qu’il n’y eut que le chef Haurie, gendarmes Bareilles et Carazet qui se révélèrent durant cette période comme des observateurs zélés du régime de Vichy et de son maitre.

Pendant le commandement du gendarme Bareilles, la même conduite fut observée. Il convient de signaler spécialement le procès verbal de demande d’internement administratif prononcé contre Monsieur Loustalet, maire d’Eygun, pour laquelle le ravitaillement général, service du contentieux, pourra fournir les renseignements précis.

L’adjudant Richon en 1944 comprit mieux son rôle, atténua l’ardeur de sa brigade et se mit en relation ainsi que le gendarme Dubeau avec les divers chefs des groupes de résistance de la haute vallée d’Aspe. Bien que les gendarmes Sibers et Barbier soient acquis depuis longtemps aux mouvements résistants, il semblait y avoir peu d’amitié et pas de confiance avec le premier groupe. Les gendarmes Latournerie et Andreu ne semblaient nullement désirer participer à aucun mouvement. Quant aux gendarmes Bareilles et Carazet ; ils demeuraient incompréhensifs à tout sentiment résistant et patriotique,

La brigade n’étant pas homogène au point de vue idées et sentiments, il était évident que son action serait peu coordonnée chacun agissant séparément.

Seuls les gendarmes Sibers et Barbier firent un travail utile et constructif. Ils activèrent le recrutement à Urdos, disciplinèrent ces réserves et se mirent entièrement à ma disposition à dater du 20 août 1944, date où on passa à la période active . Sur mon ordre ils coupèrent les communications téléphoniques allemandes entre le fort du Portalet et et le poste des Forges d’Abel, établirent deux barrages sérieux et aménagèrent les positions défense. Lors de la prise du fort, ils occupaient le poste Est, à la grange Rouglan.

Le rôle du gendarme Latournerie fut très effacé ; il ne se signala à notre attention que le jour où, charger de porter à Oloron par ordre supérieur, les culasses des mousquetons de la brigade d’Urdos, il refusa de nous les livrer alors que nous en avions un besoin urgent. On devait avoir le bénéfice des mousquetons soit avec les gendarmes soit sans. En fait, ces armes ont déserté la gendarmerie d’Urdos et il serait heureux de connaître l’autorité qui donna l’ordre de transportes les mousquetons, de les ramener à Urdos et de faire disparaître les culasses.

Le gendarme Andreu ne fit son apparition que lorsque le fort fut occupé et le dispositif de feu établi. Il fut chargé, par moi, du commandement de la mitrailleuse battant le sud du fort. Il n’eut pas d’ailleurs l’occasion d’ouvrir le feu.

Le gendarme Bareilles et le gendarme Carazet vinrent au fort lorsque ce dernier fut pris et alors que tous les postes de tir étaient pourvus. Celui-là fut chagé d’aller conduire les cinq prisonniers hors du fort vers la grange Rouglan. En ce ui concerne ce dernier je ne puis retrouver le rôle qu’il tint au fort.

L’adjudant Richon se mit en relation, peu après son arrivée, avec les divers groupements de résistance de la haute Vallée d’Aspe et aspira au commandement de ce secteur.Il promit le concours des gendarmes , des mousquetons, des armes. Dans chaque réunion ces promesses se renouvelaient et il avait à cœur à chaque séance d’émettre des idées comme la prise du maquis par la brigade, l’attaque de la kommandantur d’Oloron, ponts à faire sauter, destructions à accomplir,idées mort-nées qui n’ont jamais eu un semblant de réalisation. En fait, il a essayé de se donner une importance qu’il ne possédait pas et avec l’espacement du temps on arrive à se demander comment il a pu se faire attribuer la croix de guerre ainsi qu’a certains de ses collègues.(1)

Ce lundi 20 août 1944, nous sommes invités, l’adjudant Richon et moi-même à nous rendre à Bedous afin de prendre les ordres du commandant Bernard. L’adjudant Richon, sous le prétexte que ses déplacements peuvent donner l’éveil aux Allemands, ne se déplace pas. Les ordres donnés sont exécutés le lundi ainsi que le mentionne le rapport ci-joint. L’adjudant Richon absent le lundi pour aller chercher les culasses qu’il ne rapporte pas semble blâmer mon action, oubliant l’article I de la discipline générale concernant les ordres donnés. De plus, le mardi, devant la manœuvre d’intimidation allemande, il dirige en personne la destruction des barrages et la réparation des lignes téléphoniques activant le travail par distribution de vin et de tabac.

Il nous informa qu’il prend le commandement du secteur par ordre supérieur. Pourtant, il n’est pas là le 23 pour intercepter les patrouilles allemandes et le 24 août, jour de la prise du fort et de la reddition de la colonne allemande, il oublie qu’il doit commander et laisse l’initiative de fixer les bases de départ pour l’attaque. Il intervient néanmoins pour me refuser l’autorisation de porter l’ultimatum à la garnison allemande qui doit se rendre à 16 heures. A 15h40, nous apprenons que les garnisons d’Oloron ont forcé le barrage d’Esquit et sont à Eygun. L’adjudant Richon , estimant la partie perdue, donne l’ordre suivant : Foutez le camp. Planquez vous (sic). Et, sans attendre, il rejoint Urdos et se prépare à décamper. Cependant, avec notre mitrailleuse, nous ne faisons que changer de position afin d’attaquer la colonne de flanc. Quelques minutes après, le drapeau blanc est hissé sur le fort dont nous prenons rapidement possession. J’ai, moi-même, vérifié et essayé les trois mitrailleuses et le fusil-mitrailleur qui se trouvaient au fort, placé ces armes et chacun muni des consignes de feu à son poste de combat. L’adjudant Richon est arrivé à ce moment au fort, s’est installé dans un coin et est passé inaperçu.

Ce rapport envoyé à l’autorité militaire fut soumis à l’approbation de l’adjudant Richon qui le frappa lui-même à la machine à écrire. Il ne voulut pas que l’on y signala l’action de la gendarmerie parce que « trop négligeable » (sic Richon). Je ne tiens pas à y mentionner sa conduite peu compatible avec son honneur militaire.

Si certaine points vous paraissent obscurs vous pourrez me demander des renseignements complémentaires et je mets à votre disposition des témoignages plus nombreux.

Je vous pris de bien vouloir croire en mes sentiments les plus amicaux.

Et le plus cordiaux

signature peu lisible

pourrait être celle de H. Sallet

(1)d’après des renseignements sérieux, l’adjudant Richon avait communiqué à ses chefs hiérarchiques un rapport fort élogieux concernant l’action de la brigade d’Urdos durant la clandestinité. Ce rapport fait abstraction de la vérité. Il semble que son chef direct (ceci entre nous) en ait insinué le principe de manière que les marrons soient excellents pour lui-même. (à vérifier s’il y a eu un bénéfice quelconque).

PS. Ayez, je vous prie, l’obligeance de prendre copie de ce rapport, adressé au Cdt Prat, et de me le retourner. Je désire le conserver.

Source: archives de l’association, fonds H. Baradat.

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