Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistances: LIBERATION ET RECONSTRUCTION. 70: L’INSTALLATION DU COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION.

L’INSTALLATION DU COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION DES BASSES-PYRÉNÉES (22 AOÛT 1944).

 

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°70.

 

 

 

 

L’INSTALLATION DU COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION DES BASSES-PYRÉNÉES (22 AOÛT 1944).

           Enfant de la clandestinité, le C.D.L. (Comité Départemental de Libération) des Basses-Pyrénées connaît lors de sa mise en place au grand jour en août 1944, de nombreuses difficultés pour s’affirmer et se faire reconnaître en tant qu’institution officielle et légitime.

           Pourtant, après un ultime combat et quelques hésitations au moment de la libération, cet organe de la France libre prend rapidement la mesure de son pouvoir et de ses responsabilités en s’imposant comme seul garant de l’autorité et responsable du bien-être des populations aux lendemains de la guerre.

           Evoquer la naissance du Comité de libération des Basses-Pyrénées revient avant tout à retracer les étapes, souvent paradoxales et semées d’embûches, de la construction d’une institution originale.

           Né sous l’Occupation, d’un projet global du C.N.R. (Conseil National de la Résistance), cet organe entre véritablement en action au moment de la Libération, dans un cadre limité et à une échelle précise : le département. Avec des fondements relativement complexes, mais une organisation appropriée et très efficace, cette structure devient rapidement, par son action, déterminante et primordiale dans la période trouble et agitée de l’après-guerre. A présent, pour bien comprendre dans cette phase cruciale de la libération, le rôle et l’influence du C.D.L. (Comité Départemental de Libération) dans le département, il est nécessaire de revenir sur le contexte général de son éclosion, avec ses urgences, ses tensions et ses espoirs.

           En août 1944, les Basses-Pyrénées connaissent avec le départ des dernières troupes de la Wehrmacht, la fin d’un long cauchemar et d’une véritable guerre civile qui divise pendant quatre années les populations basques et béarnaises comme l’ensemble de la société française.

           Héritant de cette situation explosive, les nouvelles autorités, issues de la résistance, se donnent pour priorité de rétablir le calme et d’étouffer toutes tentatives d’agitation avant qu’elles ne prennent des proportions trop importantes. Pour atteindre cet objectif, les responsables de l’armée de l’ombre décident de s’attaquer en premier lieu à l’un des symboles les plus forts, mais aussi les plus dangereux (car prétexte idéal à la contestation et aux manifestations populaires) de l’ancien ordre collaborationniste : le préfet. Arrêté par les résistants, dessaisi de ses pouvoirs de police, cet ancien haut fonctionnaire se voit contraint par la force de reconnaître avant son départ, les nouveaux garants de l’ordre et de l’autorité, à savoir les commandants régionaux et départementaux des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.), le lieutenant-colonel Marmont et le commandant Boudoube (Ramena). Officiellement responsables de l’autorité civile et militaire, ces deux hommes proclament par leur investiture, la fin du régime de Vichy et le retour de la légalité républicaine.

           Toutefois, si cette prise de pouvoir militaire est reconnue et admise par les résistants comme par la population, elle ne reste que provisoire. Les officiers ont en effet pour ordres d’assurer un «intérim» durant les phases de libération et de sécurisation de la région. Cette mission accomplie, leur action à la tête du département doit prendre fin au profit d’un comité crée par les hautes instances de la résistance et représentatif de l’ensemble des sociétés basques et béarnaises : le C.D.L.. Cependant, en cette fin du mois d’août 1944, tout retour des troupes nazies n’est pas à exclure l’exemple de Mauléon justifie à lui seul cette précaution. L’entrée en fonction de cet organe civil est donc volontairement retardée, les chefs F.F.I. tenant encore pour quelques jours leurs postes.

           Si cette entrée en matière est officiellement repoussée, dans la pratique, le Comité de libération de Basses-Pyrénées existe et fonctionne concrètement depuis plusieurs semaines déjà. Réunis pour la première fois au grand jour le 20 août 1944, (quelques heures après les premiers départs allemands) dans les bureaux de l’usine Cassagne (passage des alliés) à Pau, les principaux cadres de la future assemblée, Baradat, Champetier de Ribes et Mendiondou (le président Bordelongue ne pouvant encore rejoindre Pau) se mettent rapidement au travail. Leurs premières décisions portent, dans l’urgence et l’incertitude de la libération, sur la mobilisation et la réquisition de troupes résistantes pour empêcher le retour d’unités de la Wehrmacht (plusieurs barrages sont dressés pour cela, notamment sur l’axe Pau – Bayonne, à hauteur d’Aussevielle). Toutefois, les mesures de précaution sont également nécessaires au cœur même des territoires libérés. Une partie de ces volontaires reçoit ainsi l’ordre de mener des actions de police afin de limiter au maximum les mouvements d’enthousiasme ou de représailles (épuration sauvage) prématurés des foules libérées, mais toujours inconscientes des dangers.

           Ces mesures de sécurité adoptées, les membres du comité s’attachent, après avoir fixé avec l’autorité militaire le calendrier de l’installation des pouvoirs civils, à préparer la gestion et l’organisation du département dans l’après-guerre. Cette dernière commence par une action symbolique, mais qui s’inscrit dans la primordiale et périlleuse politique d’épuration: l’arrestation et l’incarcération du procureur de la République, du substitut et du chef régional de la censure. Ce type d’action, devenu priorité de la nouvelle institution, est par la suite étendu à toutes les classes et à toutes les professions de la société. Ce vaste mouvement de réorganisation et de  «purification» est nécessaire, à la fois pour satisfaire le désir de vengeance des populations, et maintenir ce dernier dans un cadre judiciaire légal. Toutefois, malgré une apparence d’unité et d’efficacité dans l’action, les nouveaux responsables de l’autorité (pouvoirs militaires et civils) continuent, en ces premiers instants de liberté, à se diviser pour obtenir le contrôle effectif du département.

           Cette dualité prend pourtant fin le 22 août 1944 lorsque tout danger ennemi est écarté et lorsque les représentants du C.D.L. et des F.F.I., réunis au cercle anglais à Pau, décident de mettre en place les autorités civiles officielles telles qu’elles ont été prévues dans la clandestinité. Symbolisé par l’entrée solennelle à la préfecture de Jean Baylot, préfet de la Résistance, et par celle des membres du C.D.L., sous la présidence d’Ambroise Bordelongue (assisté de Darbonnens, représentant de la région de Bayonne),  dans la grande salle du Conseil général au parlement de Navarre, ce nouveau pouvoir légal se consacre dès les premières heures de son existence aux priorités du moment des populations, à savoir le ravitaillement et l’épuration.

           Institution originale en cette fin d’été 1944, le C.D.L. représente donc, malgré les critiques et les problèmes d’affirmation, un formidable espoir pour des populations exsangues de trop nombreuses souffrances.

           S’attachant en priorité à répondre aux maux urgents de la société, cet organe reste l’une des clés du redressement et de la renaissance du département d’après-guerre.

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