Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistances C.F.P. 64: LE BATAILLON CARRÈRE DANS LES COMBATS VICTORIEUX DE LA LIBÉRATION.

LE BATAILLON CARRÈRE DANS LES COMBATS VICTORIEUX DE LA LIBÉRATION (AOÛT 1944).

 

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°64.

 

 

LE BATAILLON CARRÈRE DANS LES COMBATS VICTORIEUX DE LA LIBÉRATION (AOÛT 1944).

           Réagissant après les nombreuses pertes occasionnées par les opérations de contre-guérilla allemandes, les hommes du Corps franc Pommiès mobilisés en Béarn se lancent dans une série d’attaques contre les axes de communication, les principales garnisons et les points fortifiés nazis du département.

           La victoire semblant en ce mois d’août 1944 certaine, les compagnies de résistants peuvent donc entreprendre, au grand jour et à outrance, des opérations de harcèlement, des embuscades et des attentats, la chasse aux fuyards ou aux déserteurs allemands qui amènent ces patriotes en vallée d’Aspe, au nord du département, sur la côte basque ou dans la préfecture, afin de libérer du joug ennemi l’ensemble des Basses-Pyrénées.

           En plus d’un mois de mobilisation et d’action des maquis, les hommes du Corps franc Pommiès passent successivement des joies des premières opérations réussies aux souffrances des nombreuses contre-offensives allemandes.

           Réagissant à une série de coups durs, les différentes compagnies du bataillon des Basses-Pyrénées se préparent à l’assaut final en regroupant leurs effectifs et en occupant les points stratégiques du département. Maintenant ainsi les troupes ennemies dans un climat permanent de crainte et de méfiance, les résistants, en ce début du mois d’août 1944, lancent au grand jour de très nombreuses opérations de harcèlement contre les garnisons ou plus souvent contre les axes de communication vitaux, mais surtout de libération de zones isolées encore tenues par l’ennemi.

           En Béarn, les hommes de Pommiès ont une double mission : elle consiste dans un premier temps à isoler les principaux contingents et postes fortifiés allemands, puis dans un second, à surveiller la zone frontalière pyrénéenne pour éviter toute fuite des occupants en Espagne.

           Sous les ordres de Carrère, les chasseurs sont toujours, à cette époque, répartis en quatre compagnies. Leurs espaces d’action sont cependant modifiés en fonction des nouvelles instructions. Ainsi, la compagnie Vernet, avec ses soixante hommes se place dans le triangle Navarrenx-Lucq-de-Béarn-Oloron avec pour objectif de contrôler les axes Orthez-Oloron et Monein-Oloron. La compagnie Peillon, en pleine refonte, se positionne avec ses deux sections de guérilla au nord-ouest de Pau, à Casteide-Cami, pour harceler la R.N. 117 (axe Pau-Bayonne), alors que le groupe Henry, qui a quitté cette même zone, part pour Navarrenx et installe son P.C. à Méritein.

           Après de nombreux combats près de Mauléon, la compagnie Lavalou se regroupe dans la zone montagneuse de Barcus. Elle contrôle ainsi une grande partie de la Soûle. Recevant du commandant de Carrère l’ordre d’attaquer la garnison de Mauléon après son départ de la ville sur la D 11 (Mauléon-Saint-Palais), et D 2 (Mauléon-Navarrenx), deux de ces sections (Charpiat et Clavier) tendent une embuscade sur cette dernière à Moncayole, alors qu’un autre groupe (section Touron, groupes Touron et Bréand) élève une barricade à Charitte-de-Bas (D 11). C’est dans ce dernier piège que tombe dès 15 h ce 15 août une camionnette de ravitaillement allemande. L’attaque fait trois morts et un blessé sérieux dans le véhicule, (dont un civil français réquisitionné). L’occupant se livre en représailles, à de nombreuses exactions et emmène plusieurs otages (dont le maire et le curé) après que leurs maisons aient été détruites. Cette opération couronnée de succès n’empêche cependant pas les Allemands quittant Mauléon de se replier sans gros problèmes sur Orthez. La compagnie Henry n’a pas en effet les moyens ou la volonté d’affronter les deux importants convois ennemis.

           La compagnie Vernet s’engage dans une action beaucoup plus importante. Dans un premier temps, elle effectue à partir du 17 août une série de destructions de ponts (à Narcastet D 209, Cardesse D 9, Monein D2, Geûs d’Oloron R.N. 636) pour ralentir la progression des Allemands, mais aussi pour leur causer un maximum de pertes.

           Ainsi, dans un second temps (le 17), la section Barbe, en embuscade à Lucq-de-Béarn sur la route Monein – Navarrenx, détruit un pont et dresse une barricade à proximité. Le contact a lieu lorsque les chefs Vernet et Barbe rabattent et bloquent sur le barrage quatre voitures ennemies. Les Allemands abandonnent toutefois leurs véhicules sans combattre.

           Deux jours plus tard, c’est en préparant une autre embuscade, à partir d’un pont détruit et d’une barricade, qu’un groupe de résistants rencontre deux voitures allemandes. L’échange de tir ne fait de part et d’autres que des blessés légers. Ce même jour, à Arette, une partie de jeu du «chat et de la souris» se déroule en plein centre de la localité. Chaque protagoniste pense en effet à un moment donné encercler et capturer l’adversaire. Le lendemain, après plusieurs échauffourées, les pertes dans les deux camps restent nulles, chaque camp fuyant devant l’adversaire.

           Ces jours d’insurrection ne sont donc pour la compagnie Vernet que chasses « infructueuses » et embuscades ratées. Les occasions franches de contact ne sont par ailleurs qu’occasionnelles et limitées, les pertes en conséquence presque nulles.

           Ce n’est pourtant pas le cas de la compagnie Peillon. Cette dernière perd deux de ses hommes lors d’un affrontement accidentel à Pau. Le 19, deux chasseurs (MM. Guéret et Billoret), à bord d’une camionnette, croisent un véhicule allemand fortement armé au niveau de parc Laurence. Cherchant à échapper à ce danger, les résistants prennent la fuite mais ne peuvent éviter un mur. Cet accident immobilise Guéret qui, est un long moment abandonné sur le trottoir puis évacué vers une clinique où il est amputé d’une jambe. Son compagnon, un instant évanoui revient à lui mais subit un interrogatoire très dur qui le mène devant un peloton d’exécution (son corps n’est retrouvé que plusieurs semaines après dans le charnier du Pont-Long). C’est malheureusement pour ce martyr l’une des dernières exécutions allemandes dans la ville. La garnison abandonne la préfecture pour Bordeaux le lendemain.

           L’unité Peillon mène malgré ces pertes un dernier combat le 22 août à Arthez-de-Béarn contre un groupe de cyclistes allemands attardés et perdus dans la région lors de leurs replis. Attaqué par des troupes de l’A.S. et du C.F.P., ce groupe de vingt-deux hommes se barricade dans une ferme après avoir tué le propriétaire et son fils (âgé de dix-neuf ans). Suite à un bref combat et une manœuvre d’encerclement réussie des résistants, les soldats ennemis se rendent avec trois morts dans leurs rangs. Cet affrontement tragique marque finalement la fin de la guerre pour cette partie du département.

           Cependant, une dernière zone reste encore en partie occupée. Il s’agit de la vallée d’Aspe dans laquelle les troupes du Corps franc Pommiès participent à la lutte finale et à la libération des derniers villages encore occupés par la Wehrmacht.

           Se lançant à la poursuite de la garnison d’Oloron (forte de cent cinquante hommes) qui cherche à gagner l’Espagne par la vallée d’Aspe et le col du Somport, la compagnie Henry (en position depuis quelques semaines dans la région de Gurs) avec ses quatre sections, arrive le 23 août à Sarrance, à six kilomètres de Bedous où les Allemands sont bloqués par un barrage dressé par des guérilleros espagnols.

           Le lendemain, en approchant de cette localité, les hommes du Corps franc Pommiès sont pris sous le feu des nazis qui fortifient la sortie nord du village. Henry donne alors à ses hommes, épaulés par des combattants du commandant Bénony et du détachement de Coural (venant du Gers), l’ordre de contourner Bedous par les crêtes et d’encercler cette position. Trop lente et manquant de moyens, cette manœuvre ne permet pas d’isoler les Allemands dans la localité. Quelques combats contre l’arrière garde de la colonne font malgré tout deux prisonniers.

          La chasse se poursuit alors vers le sud. A plusieurs reprises, des barrages ennemis ralentissent les soldats de l’ombre. Chaque affrontement fait alors plusieurs morts dans les deux camps (chasseur Ferez, près de sa pièce de mortier par exemple). Cependant, après plusieurs heures de combat et de fuite, les troupes de la Wehrmacht sont arrêtées près de fort du Portalet (au pont de Sebers) par de gros blocs de pierre disposés par les résistants. Sous le feu de la section Paillas de l’A.S. (Armée Secrète) qui vient d’enlever la forteresse (faiblement défendue, il faut le reconnaître), la colonne se retrouve à présent isolée et menacée. Bloquée au sud par l’Armée Secrète, au nord par le Corps franc Pommiès, elle ne peut donc plus alors que résister désespérément et retarder sa rédition.

           Les combats qui suivent font plusieurs victimes de part et d’autre. Du côté du C.F.P., le bilan est d’un mort, le lieutenant Lefèvre (tué les armes à la main près du fort) et de plusieurs blessés (dont l’adjudant Van Kelst). Dans les rangs des fuyards de l’armée allemande, douze corps, dont celui du commandant du détachement et du chef de la Gestapo (qui s’est jeté du haut du pont) sont à noter. Une dizaine de blessés sont par ailleurs relevés lorsque le reste de la garnison se rend aux forces de la résistance.

           Pourtant, malgré cette victoire, la vallée n’est toujours pas entièrement libérée. Aux confins de cette dernière, près de la frontière, un détachement allemand attend au village des Forges d’Abel, l’arrivée de la garnison d’Oloron, un train camouflé dans un tunnel devant les emmener en Espagne. Attaquées par quelques hommes de la résistance, ces troupes prennent rapidement la fuite par le tunnel. Le C.F.P. n’y fait au final que quatre prisonniers et une importante saisie d’armes.

           Vidée de toute troupe occupante, la vallée et la majeure partie du département peut donc ce 24 août 1944 fêter la victoire et sa libération. Un grand défilé à Oloron, mais également dans les autres grandes villes et les villages du Béarn,  de Soule et du Pays basque avec les différentes forces de la résistance qui ont participé aux combats, salue et marque ce retour de la liberté.

           A présent, si pour les civils et certains volontaires la guerre est finie, pour les chasseurs du C.F.P., il reste de nombreuses missions à accomplir. Parmi ces dernières, la surveillance des zones frontières, mais surtout la libération du reste du territoire (les batailles des Vosges, d’Alsace, de la pointe de Grave, la campagne d’Allemagne en avril 1945) font encore de nombreux morts parmi ces troupes de volontaires de la résistance de l’année de l’ombre.

 

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