Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 43: la résistance des prêtres.

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LA RÉSISTANCE DES PRÊTRES. UN ENGAGEMENT PERSONNEL ASSEZ FRÉQUENT.

 

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

 

Fiche n°43.

 

 

 

Souvent accusé sous l’occupation d’attentisme et de passivité, quand il ne s’agit pas de collaboration, le personnel ecclésiastique béarnais souffre à la Libération d’importantes mises en cause quant à son attitude à l’égard de la Résistance et de l’ennemi nazi.
Pourtant, s’il s’avère en effet que plusieurs prêtres se compromettent avec l’occupant, de nombreux autres manifestent l’attitude exactement inverse : ils s’engagent et se sacrifient, dès le début de la guerre, dans leur lutte pour la liberté et la justice. S’investissant dans le soutien symbolique ou matériel des juifs persécutés, dans l’assistance à la Résistance et individus aux traqués, dans l’organisation de divers réseaux et filières d’évasion, ces hommes de foi se comportent souvent en exemple. Leur dévouement, leur abnégation et leur bravoure ont contribué à forger un mythe qui tient aujourd’hui une place notable dans l’histoire de l’armée de l’ombre.
L’image que les populations ont en général des prêtres ou du personnel ecclésiastique catholique correspond souvent à celle de personnes calmes, pacifiques et sages, il est ainsi difficile pour ce public d’imaginer ces hommes d’Eglise respectés et écoutés, prendre les armes et combattre, comme le font beaucoup de volontaires pendant la Seconde guerre mondiale, l’ennemi allemand.
Pourtant, en Béarn, comme dans de nombreuses autres provinces françaises, dans la ureur et la passion de cette époque troublée, de nombreux ministres du culte choisissent le parti du refus et du combat, là où d’autres s’engagent dans l’illusion de l’ordre collaborationniste et des valeurs pétainistes.

Cependant, si leur choix et leur investissement pour cette cause semblent être entiers et continus, les moyens et les domaines d’action sont des plus divers. Malgré tout, quelques grandes tendances et types de lutte se dégagent. Ainsi, nous pouvons constater que le premier secteur de résistance pour les prêtres béarnais concerne logiquement la religion.
Cette question spirituelle étant très présente dans le quotidien du conflit, notamment à travers des persécutions d’Israélites, il est donc normal que ces combattants consacrent leurs efforts pour limiter les souffrances imposées par les traques barbares des nazis aux croyants juifs. Ce choix s’est traduit par des actes plus ou moins symboliques et efficaces.
Ainsi, l’un des personnages clé de cette opposition spirituelle dans notre région reste l’évêque Monseigneur Vansteenberghe (fiche 45), en zone occupée ; en zone non-occupée, le vicaire général Daguzan est son représentant dans tous les domaines, et notamment dans celui de son engagement politique. Courageux militant et défenseur des juifs, ce premier prélat affirme publiquement et à plusieurs reprises son opposition aux différentes politiques nazies et vichystes, raciales (fiche 47), xénophobes, antisémites et collaborationnistes. Son engagement pour cette cause le conduit en prison, puis au camp de concentration de Dachau.
Toutefois, malgré les nombreux dangers, d’autres ecclésiastiques reprennent cette «flamme» en diffusant et en réaffirmant cette position et ces critiques. En effet, les chanoines Rocq (de la paroisse St Martin de Pau) et Pambrun (de Salies-de-Béarn), tout comme les abbés Sol (aumônier à l’hôpital de Pau), Gébus (prêtre alsacien officiant auprès des réfugiés) et Pon (propriétaire d’un journal interdit car antiallemand), militent activement dans leurs paroisses, à leur manière, contre les abus de l’occupant et de ses alliés.
Cependant, sans se focaliser sur ce type d’assistance spirituelle, plusieurs prêtres parviennent, sans pour autant prendre les armes ou le maquis, à affirmer symboliquement leur résistance aux Allemands et leur patriotisme. L’un des premiers à réaliser cette «confession» est sans doute l’archiprêtre d’Oloron, Mgr Estrem. Lors d’un service religieux, le 14 juillet 1940 (date symbolique par excellence), il compare les événements douloureux que viennent de vivre les Français quelques mois auparavant aux difficiles étapes de l’histoire du catholicisme qui, malgré les persécutions et les souffrances, réussit à vaincre et à s’imposer. Exaltant ainsi le patriotisme de l’assemblée par sa prédication, cet ecclésiastique arrive à redonner espoir, la clé de la victoire, selon lui, résidant dans la « foi en une France éternelle »1.
Le pasteur Cadier, comme le chanoine Pambrun, réalise de même, peu de temps après, pour la communauté protestante la même intervention, son prêche détaillant les raisons de croire à la résurrection du pays. Toutefois, à plusieurs reprises, des hommes d’Eglise dépassent cet aspect symbolique pour participer, certes très modestement dans beaucoup de cas, mais volontairement et à leur manière, à une action plus «décisive» pour la résistance.
L’une des anecdotes les plus cocasses illustrant le mieux ce type d’engagement reste sans doute celle que décrit après-guerre un ancien médecin militaire qui, arrivant par le train en Béarn après une mission clandestine, trouve refuge dans un monastère, croyant être suivi par la Gestapo. Confiant son identité réelle et ses craintes au père supérieur qui l’accueille, l’agent secret ressort au bout de quelques heures du bâtiment déguisé en moine, une robe donnée par le père sur les épaules. L’histoire aurait pu s’arrêter là si en chemin, le médecin, croisant un autre moine sans savoir comment le saluer, ne s’était incliné face à son vis-à-vis qui fit de même. La surprise est alors grande lorsqu’en relevant la tête et en fixant son homologue, il découvre son ancien capitaine de régiment. Lui aussi était entré dans la résistance et avait eu recours à l’aide et au stratagème d’un autre père supérieur.
De la même manière que cet ecclésiastique apporte son aide à ces voyageurs, de nombreux autres prêtres béarnais répondent favorablement et avec beaucoup de dévouement, durant toute l’occupation, aux sollicitations des traqués, des espions, des maquisards ou des « voyageurs ». C’est pour ces derniers « naufragés » de la haine et de la guerre que ces curés et ces abbés ont sûrement joué le rôle le plus important.
En effet, pour tous les évadés, les persécutés et les réfractaires souhaitant gagner l’Espagne et retrouver leur liberté, ces notables des villages des vallées d’Ossau ou d’Aspe comme des agglomérations oloronaises et paloises, représentent un contact privilégié et souvent décisif dans une région inconnue et très dangereuse. Connaissant toujours plus ou moins les activités secrètes de chacun, ils orientent ainsi, comme le fait l’abbé Biers de Buzy, les nécessiteux vers les spécialistes de la montagne et les responsables de réseaux, leurs rôles d’intermédiaire ou de « guide » (fiche 6) leur donnant un véritable statut de résistant.
Cependant, au-delà de cette action occasionnelle de conseil et d’orientation, de nombreux hommes d’Eglise travaillent officiellement dans des réseaux d’évasion, leurs activités consistant souvent à cacher ou escorter des fugitifs sur une partie du trajet ou lors de traversées du massif pyrénéen. Parfois, cette activité débouche sur de lourdes responsabilités, certains pasteurs devenant même responsables de mouvements ou adjoints. Le cas de l’abbé oloronais Lopez (fiches 13 et 14) qui est le second (tout en étant le responsable de la partie espagnole du réseau Démocratie (fiche 13) du célèbre passeur et responsable de la filière ossaloise Gaston Berdance (fiche 13), est particulièrement représentatif de ces ecclésiastiques / résistants / passeurs.
Reste enfin à évoquer l’action et l’engagement des «prêtres soldats». Ayant fait le choix délibéré de mener un combat armé, militaire et clandestin, ces « volontaires en robe », peu nombreux dans le département, sont souvent pour les autres résistants des exemples de bravoure, de courage et d’abnégation, leur patriotisme et leur sens du devoir les forçant à violer certains de leurs principes.
Les cas les plus connus et les plus illustres de combattants de l’ombre dans notre région sont sûrement ceux de l’abbé Delaporte qui organise pour le Corps Franc Pommiès une section de renseignement et d’observation dans les secteurs de Soumoulou, Pontacq, Nay et Lourdes, et Pambrun qui rentre lui aussi en contact et en action avec l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) dans la région de Salies-de-Béarn.

Toutefois, malgré les derniers actes de bravoure et de courage de ces résistants doctrinaux au moment de la Libération, notamment pour négocier des redditions, mais surtout pour éviter des débordements (fiche 65), des règlements de compte et des violences, l’ensemble du personnel ecclésiastique est à tort mis en cause à la fin de la guerre, certains revanchards généralisant les accusations adressées à certains prêtres collaborateurs ou traîtres.
Justifiées dans quelques cas précis et isolés, ces critiques ternissent en partie l’aura que l’ensemble de ces hommes de foi ont forgée par leur lutte et leur participation à l’épopée de la résistance dans les Basses-Pyrénées.

1 Fabas P. Aspects de la vie religieuse dans le diocèse de Bayonne, 1905-1965, Bordeaux, Thèse de l’université de Bordeaux III, 21989, 538 p.

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