Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.35: LA « COMPAGNIE BIARROTE DES FFI ».

 

LA « COMPAGNIE BIARROTE DES FFI » GROUPE FANTÔME OU RESISTANCE MODÈLE ?

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°35.

 

 

 

LA « COMPAGNIE BIARROTE DES FFI » GROUPE FANTÔME OU RESISTANCE MODÈLE ?

          Le Pays basque forme une zone de résistance particulière dans le département, du fait de la fréquence des passages clandestins de la frontière. Cependant, si la présence de groupes armés et structurés F.F.I. (Forces Françaises Intérieures) est exceptionnelle, une organisation, animée par des chefs charismatiques tels que Pierre Fort ou Le Guillou, tient une place particulière en 1944. Il s’agit de la Compagnie biarrote des F.F.I..

          Composée de plus de  120 hommes, elle doit cependant rester en réserve pendant presque toute la durée du conflit, faute de moyens suffisants. A la Libération, son action se résumera à des actions de surveillance et au maintien de l’ordre.

          Si les archives nationales de la résistance (CARAN) qualifient le Pays basque dans sa zone côtière de « secteur à part de l’organisation de la résistance armée des Basses-Pyrénées »2, elles ne précisent en aucun cas que cette zone est vierge de toute action militaire et violente contre l’occupant. En effet, si pendant la Seconde guerre mondiale la résistance basque est surtout remarquable par sa non-violence, il n’en demeure pas moins qu’un groupe de combattants F.F.I. voit le jour dans cette région et se lance dans la lutte armée.

              En janvier 1943, les MUR (Mouvement Unis de la Résistance), organe essentiel de l’armée de l’ombre rassemblant les groupes paramilitaires Combat, Libération et Franc Tireurs Partisans (F.T.P.), est constitué. Placé sous la responsabilité dAmbroise Bordelongue (alias Michel) dans le département, ce groupement se divise dès sa création en deux grandes unités, localisées en Béarn- Soûle et au Pays basque (sur la côte principalement). Dans cette dernière zone, Pierre Fort, chef du réseau Castille, se voit confier la direction du mouvement. Toutefois, cette tâche est considérable et particulièrement risquée à cette période. Il est donc assisté et secondé dans son action par le capitaine Passicot de Saint-Jean-de-Luz (alias Ganich ou le Basque), qui se charge de l’organisation et du développement de l’A.S. (Armée Secrète).

               L’une des premières mesures de cet officier consiste à disposer puis former les premiers éléments de la « nouvelle armée locale »3, principalement sur le secteur de Guéthary-Anglet, sous la responsabilité du capitaine Guilhou.

               En juillet 1943, le mouvement rassemble ainsi un groupe de vingt quatre volontaires (dont quatre officiers) sans armes, ni formation. Ces dernier se réunissent occasionnellement pour réaliser quelques opérations symboliques, mais gardent une vie civile quotidienne ordinaire. En effet, ces hommes, simplement engagés à se mobiliser sur ordre sans pour autant rentrer dans la clandestinité, ne peuvent encore lancer d’actions avant la mise en place d’une base hiérarchique solide et d’un équipement à la hauteur des projets de la structure.

            Recrutés par décision collective, ces résistants sont malgré tout rassemblés et sollicités régulièrement par groupes de quatre. Chaque membre ne connaît en effet que les personnes de son « unité ». Ainsi, jusqu’à l’année 1944, leurs seules missions consistent à recruter et sélectionner des candidats. L’effectif passe, grâce à cette politique, de quarante-cinq hommes en janvier 1944 et à cent vingt-cinq en juillet.

           Le 1er février 1944, les F.F.I. sont créées au niveau national pour coordonner les forces et les opérations de l’A.S., des F.T.P. et de l’O.R.A. (Organisation de Résistance Armée). Commandée par un officier originaire de Biarritz, Roger Guilhou, l’antenne locale de cette formation est désormais officiellement baptisée « Compagnie biarrote des FFI  »4.

            Le 5 juin, Pierre Fort reçoit par un message codé envoyé par la B.B.C. (« le troisième taureau est entré dans l’arène »). Ce dernier lui annonce l’imminence du débarquement et l’ordre de mobilisation de sa compagnie. Pourtant, malgré les longs mois de préparation et d’entraînement en vue de ce Jour J, l’opération ne peut se dérouler entièrement que le 19 août. En effet, une grande rafle a eu lieu entre temps à Saint-Jean-de-Luz, le 8 juin, qui a considérablement affaibli l’organisation.

          Cette mobilisation tardive,  avec toute l’impatience des combattants basques et l’imminence de la libération, ne débouche pas pour autant sur des actions spectaculaires. Les premières missions données à la compagnie « se limitent » en effet à la surveillance de la frontière, à l’interception d’éléments allemands en fuite vers l’Espagne, au maintien de l’ordre et au déminage des plages, sous la direction du lieutenant Laumond et du sergent Cachot. Ces rares engagements face à l’occupant font malgré tout vingt-huit prisonniers (sans tirer un coup de feu !), les Allemands, pour la plupart des réservistes et des jeunes désemparés, se rendant sans résistance.

          Le 22 août, à midi, la compagnie entre dans Biarritz sous les acclamations et les drapeaux flottant aux balcons de la mairie et à quelques fenêtres. Cependant, après avoir maintenu l’ordre quelques semaines dans la ville (le temps d’assister les C.L.L. (Comités Locaux de Libération) et le C.D.L. (Comité Départemental de Libération) dans l’urgence de l’épuration), la compagnie biarrote des F.F.I. est envoyée le 8 septembre dans le secteur frontalier de Sare, qu’elle doit surveiller contre les évasions nazies et les tentatives de pénétrations franquistes.

            A peine deux mois plus tard (7 et 8 novembre), bien loin du front, le groupe livre son premier combat contre plusieurs incursions d’éléments fascistes sur le territoire français (ces derniers poursuivent des guérilleros espagnols de la 227ème brigade du lieutenant-colonel Vicuna,  auquel la compagnie apporte un soutien précieux depuis qu’elle contrôle la région). Après plusieurs heures de combat et de nombreux accrochages, bien que supérieurs en nombre et en armement, les franquistes repartent finalement avec quatre blessés vers la péninsule ibérique. C’est toutefois le seul et unique engagement armé et violent de la compagnie en tant qu’unité basque. Le 23 novembre 1944, 60% des effectifs signent un engagement pour la durée de la guerre dans la deuxième compagnie du 18° R.I. (Régiment d’Infanterie), en cours de reconstitution à Bayonne.

             Remplacée sur la frontière par des groupes F.T.P., la compagnie biarrote des F.F.I. remplit donc parfaitement durant sa brève existence les modestes missions qui lui sont confiées.

          Reflétant et illustrant par son action celle de la majorité des forces d’opposition à l’occupant au Pays basque, cette structure locale a malgré tout le mérite de s’affirmer et de s’exposer à l’ennemi, la simple prise en considération par ce dernier de son existence étant en elle-même déjà une grande victoire.

 

 

1 Crouzet J., La compagnie Biarrote des FFI, L’Informateur de Biarritz, août 1994

Rapport national des archives de la résistance (CARAN) , côte 72 A J. 175, copie fournie par Jean Crouzet.

3 Crouzet J. La compagnie Biarrote des FFI, L’Informateur de Biarritz, août 1994

4  Idem

Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.