Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.33: LA RÉSISTANCE COMMUNISTE EN PAYS BASQUE (1943-1944).

 

LA RÉSISTANCE COMMUNISTE EN PAYS BASQUE. AUTOUR D’ANDRÉ BOUILLAR (1943-1944).

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°33.

 

 

 

LA RÉSISTANCE COMMUNISTE EN PAYS BASQUE. AUTOUR D’ANDRÉ BOUILLAR (1943-1944).

          Si le groupe de résistants communistes du Boucau-Tarnos atteint l’année 1943 très affaibli et diminué par plusieurs vagues d’arrestations, l’arrivée au début de cette année de l’inspecteur Bouillar relance ce mouvement essoufflé mais toujours vivant.

          Une redéfinition des objectifs, des cadres et des structures, permet ainsi à ces quelques militants et à l’ensemble du groupe de s’affirmer dans la lutte contre l’occupant de toute la zone basque.

          Les communistes basques ont au début de la guerre une action hésitante, plus symbolique qu’efficace, basée sur des campagnes de contre propagande et de «petits sabotages». A partir de l’année 1943, leurs dirigeants (notamment ceux du Boucau) essayent de provoquer une mutation au sein de leur organisation en l’incitant à mener des opérations d’envergures, retentissantes et ayant un réel intérêt stratégique.

          Faisant partie des rares structures au Pays basque réalisant réellement des opérations «terroristes» de guérilla, ce groupe de résistants communistes doit beaucoup de son prestige et de son nouveau statut à l’un de ses plus charismatiques et actifs responsables : l’inspecteur auxiliaire de police André Bouillar (dit Dédé le Basque1). Sortant en effet d’une grave période de crise et de doute liée aux nombreuses vagues d’arrestations qui déciment le sommet comme la base du groupe, cette organisation trouve, dans ce fonctionnaire militant, le leader qui lui faisait défaut, mais surtout un formidable résistant qui parvient à remotiver ces hommes et à créer une nouvelle dynamique pour une lutte qu’il veut plus active, plus agressive, mais aussi plus visible.

          Pourtant, dès son arrivée dans la région, sa première tâche n’est pas de lancer des opérations, mais de restructurer et de réorganiser le mouvement qui était mal en point à ce moment-là. Pour cela, il utilise ses relations avec l’O.C.M. (Organisation Civile et Militaire) ou avec l’A.S. (Armée Secrète), et s’entoure de militants motivés et fidèles comme Capdevielle, Mouchet, Dornet, Goossens, Lassus, Riberolles, Lascague ou les ingénieurs des Forges Malvaux, Castaing et Gourdu. Avec ces personnes, il crée officiellement et concrètement un réseau armé de résistance et structuré sur les zones du Boucau, de Tarnos et de Bayonne.

          A présent, si au début de l’année 1943, son groupe est prêt à entrer en action les armes à la main, Bouillar préfère attendre et achever les réalisations de ses prédécesseurs  qui ont engagé une partie des forces communistes dans plusieurs réseaux de renseignement et d’évasion. Ainsi, durant l’hiver de cette quatrième année d’occupation, il s’attache en priorité à monter ou à développer des Mères de passage par l’Espagne, notamment à partir du bar du Boucau (grande action des tenanciers du bar de l’avenue Catherine Irribart, Pierrette et Lucienne Montot) et grâce à l’action d’une grande famille de passeurs de Saint-Jean-Pied-de-Port, les Elissetche. Bien que discrètes et efficaces, ces organisations destinées à l’origine à aider les ouvriers de l’organisation Todt et des Forges de l’Adour, n’ont toutefois qu’une durée de vie très éphémère, leurs démantèlements et la déportation des principaux cadres intervenant en mars 1943 après seulement quelques semaines d’activité.

          Ne s’arrêtant pas à cet échec et malgré les arrestations en février de Paillé, de Perse (ancien maire rouge du Boucau), la disparition de Landaboure et le passage en Espagne des Lacoste, Bouillar lance après avoir reçu un parachutage d’armes dans les Landes, une vague d’opérations de guérilla. Celles-ci sont destinées à causer un maximum de dégâts dans la région et à créer un dynamisme d’action avant le départ de Bouillar pour Bordeaux où il est appelé à assumer de nouvelles et plus importantes responsabilités.

          Cette vague d’attentats marque, au début de l’année 1944, la recrudescence générale de la résistance (active ou passive) dans la zone. Le 30 janvier, accompagné de Mouchet, Riberolles, Goossens et Gourdon, Dédé le basque fait sauter les sièges du P.P.F. (Parti Populaire Français), de la Légion des Volontaires Français (L.V.F.), du Rassemblement national français et du groupe Collaboration. Par cet acte autant symbolique qu’efficace, il bloque l’activité de ces organes collaborationnistes pendant quelques temps et annonce aux populations une série d’actions contre l’occupant et ses alliés. Ainsi, le 16 mars, Mouchet et Laharie s’attaquent à une armoire téléphonique, à St Etienne, qu’ils font exploser, paralysant alors durablement les communications allemandes. Quelques jours plus tard, un autre groupe, composé de Lassus, Capdevielle, Dornet et Lascague, détruit une ligne haute tension alimentant la côte basque.

          Malgré le départ en avril de l’inspecteur de police de Tarnos (remplacé par René Malvaux) ainsi que l’affectation de Mouchet, Capdevielle et Fabas (trois piliers du mouvement) au côté de Bouillar à Bordeaux, l’œuvre de ce dernier persiste et entraîne de nouvelles actions. Le 26 mai par exemple, un attentat à Bayonne détruit le bureau d’information de la Wehrmacht et donc les dossiers ou les fiches de milliers de requis basques pour le Service du travail obligatoire (S.T.O.) en Allemagne.

          Cependant, fin juin, cet élan guerrier et patriotique est brusquement interrompu par une série d’arrestations qui touchent le mouvement au niveau de ses cadres. En effet, peu de temps après la capture de Duboy à Tarnos (14 juin), Labrouche et Concarret de Bayonne sont arrêtés et déportés, alors qu’à Bordeaux, Bouillar, Fabas et Capdevielle sont en mauvaise posture, traqués par la Gestapo. Pourtant, ne cédant pas à la pression ennemie, les communistes décident de frapper un grand coup en réalisant une action forte en symbole et en provocations envers les autorités ennemies.

          Le jour de l’opération, à lui seul est significatif : le 14 juillet. Pour cette fête, Charles Castaings hisse, comme marque de patriotisme et de résistance, le drapeau français au sommet du crachoir des Forges de l’Adour, au Boucau, c’est à dire sur l’un des sommets les plus élevés de la région. Ce geste est complété peu de temps après par Delpech et Damestoy qui pavoisent aux couleurs tricolores le pont de l’école des forges et l’avenue Jean Jaurès. Imité dans de nombreux villes et villages de France, à quelques semaines de la libération, ce geste est l’un des derniers du groupe des résistants communistes du Boucau -Tarnos. Les ultimes interpellations étant en effet particulièrement meurtrières, ce mouvement, éprouvé par plus de quatre années de lutte et de sacrifices, est obligé d’attendre la défaite et la retraite des Allemands en se contentant de lancer quelques opérations contre ces derniers. Leurs départs donnent malgré tout lieu aux dernières actions isolées de harcèlement d’un groupe décimé mais vainqueur.

          Organe de résistance très actif au Pays basque pendant la Seconde guerre mondiale, le groupe communiste du Boucau – Tarnos a donc prouvé, malgré les conditions peu propices à l’action d’unités armées et la forte présence ennemie dans la région, qu’il est possible de mener des campagnes de lutte ouverte contre l’occupant et ses infrastructures en zone occupée.

          Peu connus et peu honorés, ces quelques volontaires et partisans incarnent donc malgré eux, durant tout le conflit, la résistance active et militaire dans cette partie des Basses-Pyrénées, les autres grands mouvements n’entrant véritablement en action qu’à l’approche de la libération.

1 *Centre social et culturel, Tarnos, Boucau, Ondres durant la période 1940-1944, Boucau, imprimeries du Boucau – Tarnos, 1995, 63 p.

 

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