Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Réseaux. Passages. Passeurs.02: PASSER EN ESPAGNE. POURQUOI ?

PASSER EN ESPAGNE. POURQUOI ?

 

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°2.

 

 

PASSER EN ESPAGNE. POURQUOI ?

L’évasion par les sentiers pyrénéens vers l’Espagne représente pendant la seconde guerre mondiale une aventure particulièrement périlleuse et incertaine. Il peut alors être intéressant d’observer quelles sont les motivations, mais aussi les origines sociales et géographiques des candidats au départ.

Evoquer les raisons qui poussent un Français ou un étranger à partir revient en général à parler de deux grands types de motivations : celles liées au choix du refus, que ce soit de l’occupant ou du STO et celles imposées par la nécessité et l’instinct de survie qui s’appliquent aux traqués, aux évadés ou aux personnes en mission. L’étude des origines des candidats représente toutefois par la suite une tâche plus complexe, aucun profil type de l’évadé ne s’imposant, pas plus qu’une région géographique d’origine. Malgré tout,  quelques tendances semblent se dessiner : il s’agit en général de personnes jeunes, originaires des départements frontaliers ou limitrophes, de toutes origines sociales, mais qui ont pour points communs le refus et la crainte des Allemands.

         Si l’évasion par les Pyrénées vers l’Espagne peut être aisément assimilée à une aventure, les dangers (fiche 19) qui guettent les candidats, l’incertitude de l’aboutissement de cette épreuve et les conséquences en cas de capture sont autant d’arguments susceptibles de décourager les futurs évadés. Malgré tout, les candidats restent nombreux et les motivations solides. Ces dernières peuvent être regroupées en deux grandes catégories.

La première est liée à la volonté et à la détermination des volontaires de refuser l’occupant et ses ordres. Ce choix du refus trouve souvent son origine au début de la guerre dans une non-acceptation de la défaite et de la présence allemande, mais surtout dans une volonté de continuer la guerre auprès des Alliés ou du général de Gaulle. Ce choix est celui des «évadés de France» qui forment après leurs passages, une fois arrivés en Afrique du Nord ou au Royaume Uni, les combattants des futures armées FFL (Forces Françaises Libres).

            L’autre partie des partisans du refus est composée de réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) : représentant la majorité de cette catégorie, ils suivent en général le même itinéraire que les volontaires évoqués précédemment. Seuls leurs motifs originels divergent. Si dans un cas l’esprit patriotique ou d’aventure commande, dans l’autre il s’agit d’éviter une forme de déportation. Notons en outre que ces évasions n’aboutissent pas forcément à un engagement militaire.

         Ce choix est donc dicté par les dangers du moment et par la nécessité de choisir un camp, plusieurs possibilités s’offrant par ailleurs aux réfractaires : le maquis, la fuite.. De même, il est très fréquent de voir des permissionnaires du Service du travail obligatoire profiter de leur retour en France pour s’enfuir et pour passer la frontière ou encore d’en trouver qui partent chercher leurs primes de départ et qui disparaissent en Espagne. Cependant, ce phénomène reste, chronologiquement parlant, limité puisqu’il ne se développe qu’après 1943 et l’instauration du STO.

         A côté de ces motivations liées au refus, beaucoup de départs sont le fait d’impératifs de survie. Issus d’une prise de décision rapide, contrairement aux précédents, ces départs concernent principalement les personnes traquées, Juifs, résistants «brûlés», évadés, mais aussi des individus qui servent les Alliés : aviateurs abattus, agents secrets, courriers de la résistance…

         Nous pouvons sur ce plan constater une certaine forme d’inégalité face aux conditions de passage. Si dans le cas des pilotes ou des espions, la prise en charge est complète, le franchissement aisé et bien organisé par des spécialistes (fiches 6 et 7) habitués au terrains dans celui des Juifs ou des simples résistants, il est nettement plus compliqué, la recherche d’une filière, d’un passeur (fiche 7), l’aspect financier (fiche 8) et l’épreuve physique en elle-même, représentant autant d’obstacles à vaincre.

         Les origines sociales et géographiques des évadés sont-elles encore plus diverses et délicates à évoquer. Elles sont en général liées aux motivations. Ainsi, dans le cas des départs par choix, le profil type correspond à une personne jeune, française, originaire du département pour les réfractaires au STO et les volontaires, et de toute la France pour les militaires qui désirent continuer le combat.

            Pour les évadés par nécessité, les points de départ sont multiples. Pour les Juifs et les résistants menacés, la seule chance de salut reste l’Espagne. Quelles que soient les régions d’origine et les distances à parcourir, les fugitifs partent donc sur les chemins (fiche 4), prêts à traverser plusieurs pays à pied pourvu que la survie et la liberté soient au bout de l’effort. Ainsi, on retrouve des candidats venant de toute la France (parfois même de l’étranger), de tous âges et de toutes conditions sociales, la seule limite étant la difficulté à se déplacer et les risques de capture (fiche 19) qui augmentent avec la distance.

            Pour la dernière catégorie, celle des agents alliés en mission, la provenance est encore plus dispersée puisque la prise en charge se fait à partir de la zone d’action pour les espions et de crash pour les pilotes. Ainsi, nous trouvons des réseaux (fiche 1) comme Comète (fiche 17) qui prennent en charge les aviateurs depuis la Hollande ou la Belgique jusqu’en Espagne.

         Cependant, malgré la diversité des origines, assez flagrantes lorsqu’on observé l’ensemble des candidats, nous pouvons constater que quantitativement, la distance par rapport à la frontière explique beaucoup de départs. Les travaux d’Emilienne Eychenne montrent ainsi par exemple que la proportion des départs par canton augmente lorsqu’on se rapproche du piémont ou de la frontière.

Aventure humaine (fiche 6) et patriotique par excellence, l’évasion par les Pyrénées durant la Seconde guerre mondiale s’explique donc dans beaucoup de cas par une décision personnelle ou par un impératif de survie. Qu’elles trouvent leurs origines dans le nord de la France pour un pilote abattu ou dans les Landes pour un résistant refusant la présence des Allemands et la clandestinité, ces épopées on toutefois pour points communs de faire vivre à leurs auteurs une éprouvante et glorieuse lutte, celle des cimes et des cols, celle de la « bataille des Pyrénées ».

Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.