Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Henri FRAISSE. Lettres envoyées à son épouse entre le jour de son arrestation et celui de son exécution.

Quatre lettres sont adressées par Henri Fraisse à son épouse pendant son incarcération.

 

Henri Fraisse et Henri Lacabanne sont arrêtés par la gendarmerie allemande, à Pau, le 3 octobre 1943. Ils sont incarcérés à la villa Saint Albert à Pau, puis à la prison Saint Michel de Toulouse. Condamnés à mort par un tribunal allemand, ils sont fusillés le 28 décembre 1943.

Détail de leur arrestation: cliquer ici

 

Henri Fraisse a fait parvenir des lettres à son épouse pendant son incarcération.

Quatre de ces lettres ont été découvertes fortuitement lors de la rénovation d’un appartement. Elles étaient cachées dans le conduit d’une cheminée. Elles ont été confiées à E. Amouraben.

Ces lettres sont datées: ce vendredi, 7h du soir ( correspond au vendredi 7 octobre), ce mardi 12 (correspond au mardi 12 octobre), 27 décembre 1943, 28 décembre 1943.

 

Lettre du vendredi 7 octobre 1943. 

Ce vendredi 7h du soir

Je ne sais encore à qui

remettre ce mot ?

Chère petite femme.

Je te fais un petit mot tout simple. Ma santé et mon moral sont bons. Je ne pense pas que l’affaire devienne grave. De toute façon je suis transféré à Toulouse avec un camarade où notre affaire passe en jugement. Rien ne sert de s’émouvoir. Ce n’est qu’un peu de mauvais temps.

J’ai assez de chaussettes et gilets de peau (avec 2 paires chaque) j’ai assez de mouchoirs avec 3 ainsi qu ‘avec 2 caleçons.

Tu me porteras le costume sport (veste et pantalon) le pull-over bleu à coté 1 béret et 1 serviette bleue à nid d’abeilles dont je me sers, mais si tu peux me trouver une petite valise de 30cm ou 40 cm sur 25cm suffisent. Demande à tante autrement.

Tranquillise et embrasse pour moi la famille, pense à tenir l’intérieur comme il faut et ne te tracasse pas trop pour mon ravitaillement. Tu dois avoir assez à faire seule.

Je te tiendrai au courant suivant possibilité.

Pense aussi à me porter une chemise épaisse et solide (la bleu aviation).

Je te laisse mon cher petit. Bons baisers à tous.

Pour toi, pensées et tendres baisers

                                                                                                                                                   Henri

Tu reprendras mon chapeau dans le vestibule.

Lettre du mardi 12 octobre 1943.

 

Ce mardi 12

Chère petite femme

Je suis très heureux de toutes ces bonnes choses, mais moins souvent, que cela ne te prive pas. Je vais te tranquilliser et te dire en toute franchise que le café du matin est bon, les 2 repas midi et soir sont bons et suffisants, quant aux chefs ils sont conciliants et loyaux, chacun fait son devoir tout est là.

La valise est très pratique rien ne me manque sauf une petite glace de 12cm sur 8 et un rasoir mécanique avec de bonnes lames.

As-tu de bonnes nouvelles de mes parents ? As-tu pu toucher le mandat ? Ne vous faites pas de mauvais sang à mon sujet j’ai espoir que s’arrange.

Bonjour aux amis, bons baisers aux parents.

Pour toi ma chère femme une pensée et tendres baisers

                                                                                                                                                                    Henri

As-tu eu les clés du coffret et de la boite aux lettres. Pense à reprendre ici le pantalon et la veste.

Lettre du 27 décembre 1943.

 

Toulouse ce 27 décembre 1943

Ma femme chérie

Je suis heureux de pouvoir te faire parvenir ce petit mot par la même voie que le précédent. Ainsi tu peux te rendre compte que je suis toujours là, ma santé bonne ainsi que le moral, il ne faut que de la patience et confiance en Dieu pour que je revienne au plus vite auprès de toi.

Je ne sais si tu m’as envoyé de même que mes parents plusieurs colis de vivres (sauf linge reçu) je n’en ai touché qu’un seul depuis le 15 novembre il contenait pain, beurre, saucisson, sachet sucre, chocolat, 1 paquet de biscuits, pâte de fruit c’est tout, j’espère avoir les prochains bien complets avec pain aillé, jambon, saucisses graisse, 2 confitures, pâté, lard, pain épices, biscuits aux œufs, pommes, sel, beurre, etc si possible. Tu verras que je ne te prive pas, en plus l’écharpe laine marron et du Gibbs.

Transmets mes nouvelles à toute la famille particulièrement à mes parents je ne puis autrement, avec mes bons vœux et souhaits pour 1944, embrasse les à tous pour moi qu’ils aient du courage.

J’espère que tu t’arranges au mieux, travail, courses, intérieur, etc, etc. As-tu repris mes chaussures acajou porc chez Henri depuis 3 mois. 1 rasoir laissé à Gaston Meoulle (?) qui travaille à la voirie (vois Girard ou Limoges qui lui réclameront). Je te laisse ma petite femme chérie je te souhaite courage et confiance, espoir que tout s’arrangera.

Mes meilleurs vœux et souhaits pour cette année 1944. Ma pensée et mes plus tendres baisers.

                                                                                                                                                                            Henri

Lettre du 28 décembre 1943.

 

 

Ce 28 décembre 1943

Ma femme chérie

Ce matin on vient de nous apprendre la triste nouvelle. Je te fais simplement ce simple mot ajouté à une lettre préparée auparavant.

Mon ami Lacabanne et moi avions jusqu’à présent un ferme espoir mais hélas la destinée le voulait ainsi. Sois courageuse ma petite femme chérie, pour moi et mes parents il le faut, pardonne moi toutes ces petites misères de la terre qui ne sont rien avec le reste.

J’avais uns conscience honnête, je ne désirais que le bien pour tous j’aurais voulu surtout te rendre plus heureuse, tu le méritais, je n’en ai plus les moyens. J’ai été jugé et condamné à mort alors que je ne désirais que paix, justice et bonté dans le monde, tu le sais, éloigner ces carnages inutiles et voir des gens heureux.

Ma « faute » se résume à la diffusion de journaux clandestins, ce délit mineur est bien payé.

Je te transmets mes dernières volontés femme chérie, aie du courage il en faut, j’en ai en moi même. Je te joins modeste et dernier souvenir deux lambeaux de cheveux pour toi et mes parents à qui j’ai pensé et pense aussi beaucoup.

Je meurs en chrétien plein de foi et courage. Mène une vie sage et sérieuse, écoute surtout mes parents qui te guideront droitement. Tu seras un peu leur fille, leur joie de ce qui les attache à moi.

Sois heureuse chérie, ne pense pas à toutes les petites misères matérielles, pratique le foi et priez pour moi.

Je compte sur toi pour présenter les terribles choses à mes parents. Je te laisse mon amour chérie.

Ma passion et mes plus tendres baisers pour toi et la famille

Ton mari

Henri

Source: archives privées, E. Amouraben.

 

 

 

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