Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Echec d’un passage clandestin au col des Moines. 1er août 1943.

Un rapport de gendarmerie, établi le 4 août 1943, relate les conditions de sauvetage d’un blessé par balle au col des Moines. La victime faisait partie d’un groupe qui tentait un passage clandestin de la frontière vers l’Espagne.

 

Transcription du document original.

 

GENDARMERIE NATIONALE                                                                                                                                                                        A OLORON, le 4 août 1943.

17ème LEGION

COMPAGNIE DES BASSES-PYRENEES

SECTION D’OLORON

N°40/4 RAPPORT

 

Du Capitaine VINCENT

Commandant la section de Gendarmerie d’OLORON.

Sur les incidents survenus, consécutivement à une tentative de franchissement de la frontière pyrénéenne, dans la région d’URDOS (Basses-Pyrénées).

Le dimanche 1er août 1943, une tentative de franchissement clandestin de la frontière, a été surprise aux abords du Col des Moines (Nord-Est du col du Somport), par les douaniers Allemands.

Au cours de l’opération entreprise par ces deniers :

  • Un jeune homme (dont l’identité figue en annexe) a été grièvement blessé par balle, à la hanche gauche,

  • Un groupe de onze personnes (10 hommes et uns jeune femme) a été arrêté,

  • Un groupe de 33 hommes environ a réussi à passer en Espagne.

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Les faits se sont déroulés dans les conditions suivantes :

Le lundi 2 août 1943, vers 12 heures, deux douaniers allemands traversaient URDOS conduisant onze personnes (dont une jeune femme) vraisemblablement arrêtées dans la montagne. ( Ce groupe initialement emprisonné au Fort du Portalet, devait être transféré à OLORON, le lendemain trois août, dans l’après-midi).

Le même jour, vers 17h15, le Chef du Services des Douanes Allemandes d’OLORON, se présentait à la Brigade de Gendarmerie d’URDOS et demandait qu’une caravane de secours soit dirigée sur le Col des Moines, afin d’enlever un homme grièvement blessé. Après étude de la question, M. le Sous-Préfet d’OLORON et le Capitaine Commandant la Section, décidaient que l’opération demandée serait effectuée par la Brigade Territoriale de LARUNS qui disposait sur place du personnel spécialisé indispensable, lequel avait d’ailleurs participé, en mai dernier, à une semblable randonnée. En exécution des ordres donnés, consécutivement à la décision prise, l’équipe de secours constituée dans la soirée du 2 août et comprenant le personnel énuméré en annexe, quitté LARUNS le 3 août 1943, à 5 heures et gagne à l’aide d’une camionnette de la S.N.C.F. le hameau de Bious-Artigue où elle arrive à 7heures. Entre-temps, quatre Douaniers Allemands du poste de GABAS rejoignent la caravane.

Dès le départ de Bios-Artigue, l’ascension déjà très difficile par elle-même, est redue plus périlleuse par l’orage qui vient d’éclater. Les éclairs se succèdent à une cadence rapide, la pluie tombe en rafale, le vent violent et froid s’engouffre dans la vallée.

Un léger flottement se dessine parmi les membres de la caravane, déjà ruisselants d’eau et glacés, les uns invoquant la mort probable du blessé, les autres font état des risques encourus en raison du violent orage qui sévît et qui semble imposer l’attente d’une accalmie permettant de poursuivre.

Néanmoins, la notion du devoir rappelée par certains, dont l’Adjudant Commandant la Brigade Territoriale de LARUNS, galvanise les quelques énergies défaillantes et la troupe repart en dépit des éléments déchainés.

Le groupe atteint ainsi le premier las d’AYOUS (2241 mètres). L’orage redouble, la foudre tombe sur les pics voisins, les hommes exténués et glacés doivent s’abriter contre une paroi verticale de la montagne. Le vent, d’une violence exceptionnelle, interdit d’ailleurs tout mouvement.

Néanmoins, vers 9 heures, la troupe reprend sa marche et l’ascension se poursuit, mais peu après en fonction du jeu des résistances physiques individuelles, la colonne s’essaime et les premiers éléments dont les Gendarmes, atteignent le Col des Moines (2404 mètres) à 10 heures. Au Col exactement, un douanier Allemand remet le blessé. Celui-ci gît sur le sol depuis le 1er août, vers 20 heures ; durant les 2 jours et 2 nuits passés sur le terrain, il a été soigné par le douanier. Bien qu’affaibli par la grave blessure qu’il présente à la hanche gauche, il peut donner son identité ainsi que quelques renseignements sur l’incident. L’orage a cessé mais en raison du froid, le Docteur ne pouvant donner les soins convenables, le blessé est placé sur le brancard et la caravane regroupée prend le chemin du retour.

La descente pénible et risquée commencée à 10h30 s’achève au bord du Gave de Bious à 12 heures. Le groupe s’arrête afin de permettre au Docteur de donner ses soins au blessé. Peu après, la marche reprend sous l’orage qui recommence. A 16h30, enfin, trempés une seconde fois par la pluie, le groupe atteint Bios-Artigue et prend place avec le blessé dans la camionnette de la S.N.C.F qui stationne depuis le matin.

A 17h30, le blessé est soigné à LARUNS une seconde fois par le Docteur BRIOL, puis dirigé sous escorte, sur l’hospice mixte de PAU.

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De l’enquête faite le 3 août, par le Capitaine Commandant la Section, dans les Vallées d’ASPE et d’OSSAU, il résulte que :

1°) Le blessé faisait partie d’un groupe de 45 personnes, venues de la région de PAU, dans l’intention de franchir clandestinement la frontière au Col des Moines. Le groupe aurait été aperçu progressant sur les crêtes dans la soirée du 31 juillet.

2°) La rencontre avec les douaniers allemands du poste voisin, se serait produite au Col des Moines même, vers 10 heures. Au cours de l’incident, 33 personnes seraient passées en Espagne, tandis que le groupe fermant la marche, soit 12 personnes, dont une jeune femme, était arrêté par le feu, puis capturé par les douaniers Allemands.

3°) Si l’on en croit certaines indications parvenues, une partie de l’opération se serait déroulée en territoire Espagnol, à environ 200mètres de la frontière, motivant ainsi l’intervention des carabiniers Espagnols de Canfranc, lesquels auraient demandé notamment aux douaniers Allemands la remise du blessé.

4°) Le personnel ( Gendarmes et Civils) composant l’équipe de secours à couru des risques certains, dans une région montagneuse très difficile par elle-même ; dont les dangers permanents étaient rendus encore plus grands par la violence d’un orage exceptionnel.

Au cours de l’opération, tout ce personnel a fait preuve d’un courage remarquable et a confirmé au milieu des péripéties de cette dangereuse randonnée, son esprit d’abnégation.

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L’Adjudant et les Gendarmes de la Brigade Territoriale de LARUNS, ayant participé à l’action, feront l’objet d’une proposition de félicitations écrites au Colonel Commandant la 17ème Légion de Gendarmerie.

Par analogie, il semble que le personnel civil composant l’équipe de secours, doive faire l’objet d’une semblable mesure de la part de l’autorité intéressée.

DESTINATAIRES.

M. Le Préfet Régional à TOULOUSE,

M. Le Préfet Département à PAU,

M. Le Sous-Préfet à OLORON,

M. Le Colonel, Commandant la 17ème Légion de Gendarmerie à TOULOUSE,

M . Le Chef d’Escadron, Commandant la Compagnie de Gendarmerie des Basses-Pyrénées à PAU.

Le rapport est signé de l’auteur, sur un cachet « Gendarmerie Nationale. Section d’Oloron.

L’original porte, en première page, la mention « SECRET » en caractères majuscules de couleur rouge apposée par tampon .

Source: SDA64, cote 37W115

Pour accéder au document original: cliquer ici.

 

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