Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Copie d’une lettre interceptée le 2 juillet 1943. Activités de la division Brandebourg, affaire de Barcus.

La censure postale intercepte le 2 juillet 1943 une lettre de Jean Danjou postée aux Eaux-Bonnes, destinée à son frère Jacques à Berlin. Dans cette lettre, Jean Danjou évoque les activités de la 8ème section (2ème bataillon, 3ème régiment) de la division Brandebourg et confirme l’implication de cette formation dans l’affaire de Barcus et le meurtre de J.P. Murcuillat.

 

 

Copie du document d’interception postale.

 

 

Q.G.                                                                                                                                        Décision : ACHEMINEE

N° 3941/P

DATE DE L’INTERCEPTION: 3/7/43                                           DATE DU DOCUMENT INTERCEPTE: 2/7/43                           

EXPEDITEUR ET ORIGINE                                                                                                                                                                      DESTINATAIRE

Janik Danjou, Eaux-Bonnes (B.P.)                                                                                                M. Jacques Danjou, Lous Bazades, Abteilung II KDF 25, Kaiser Allee Berlin (Deutschland)                            

 

   Heil vieux frère,

Enfin, depuis un mois exactement que tu es parti pour l’Allemagne, tu vas bien recevoir une lettre de moi. Ecoute mon vieux, peut-être cent fois  j’étais sur le point de t’écrire et puis pour une raison ou pour une autre je n’ai pas pu. Je te remercie bien de ton côté des lettres et cartes que j’ai bien reçues. Quel voyage épatant tu fais. Où es-tu en ce moment? A ta dernière lettre tu étais encore à Berlin. J’espère que malgré mon silence involontaire  je recevrai prochainement de tes nouvelles et de celles de la bande.  Si je ne t’ai pas écrit, c’est que tous les jours je fais une lettre pour la maison ou pour ODJ qui m’envoie lettres et colis fréquemment surtout parce que, comme tu peux le penser, nous ne sommes pas restés inactifs et enfin je n’ai eu ton adresse que très tard. Depuis ton départ voici ce qui s’est passé à Moumour. Quand tu es parti nous n’étions donc que huit, puis plus que sept après ton départ. Au bout de quatre à cinq jours, un nouveau, (Lesgourgues doit le connaître, chef du S.O. de Bayonne, 26 – 27 ans, très gentil) t’a remplacé jusqu’à la fin du stage normal qui a duré en tout quatre semaines où nous nous sommes perfectionnés dans maniement des armes, attaques, défenses, batailles de rues et, avant de partir cinq jour en perm, nous avions pu faire de petits coups de main et coincer à peu près une dizaine de cocos qui voulaient passer en Espagne.Donc cinq jours de perm, très bien passés avec le paternel et Françoise, moitié à Bordeaux, moitié au Ferret où Yvette ne nous avait pas accompagnés. Au retour de perm ou même attends, c’était la veille de notre départ en perm, le fameux nouveau contingent est finalement arrivé avec une vingtaine de types (dont Chrisdia et le petit Boissy de Bx), 22 au juste je crois, dont quelques uns re Tunisie, d’autres des Landes et d’autres enfin de Paris. Au retour de perm nous n’étions que sept anciens, car Lasterade n’est pas revenu et bientôt que six, car Richard, qui m’a écrit dernièrement d’ailleurs, est reparti momentanément à Bordeaux, un de ses gosses étant malade.

Donc à six anciens et à 20  -22 nouveaux que nous avons vite formés nous avons commencé une grosse oeuvre de nettoyage parmi les passeurs en Espagne. Alors espionnage, sorties de nuit, pas fermer loeil, faire des dizaines de kms à pied la nuit et tout et tout, c’était je dois le dire très intéressant et après plusieurs coups parfois sérieux où un Allemand que tu ne connais pas a reçu quatre balles de pistolet dans le corps, et un passeur qui s’était joint à nous de force et nous avait indiqué où se trouvait le groupe des passeurs a été tué d’une balle dans le coeur (il avait 19 ans, il était de Barcus, là où s’est déroulée l’aventure à quatre ou huit kms d’Eskule). Ce jour-là, il y a dix jours, nous avons coincé dans une grange 36 types dont une fille, tu te rends compte!

C’était au poil l’arrestation, chacun de nous s’est servi (les Allemands appellent ça « organisation ») (Organisierung, la débrouille) et aussi j’ai conservé quelques souvenirs tu verras dont un sac à dos qui n’est pas mal et une canadienne magnifique aussi.Enfin, chacun a eu sa part. Mais je te promets que tout n’a pas été sans mal et tout ça c’était bien fatiguant. C’est d’ailleurs grâce à moi que ce coup-là a réussi. Depuis longtemps nous sommes armés. Dès le début nous avions chacun notre fusil et une baïonnette, mais depuis la 1ère perm chque ancien a un pétard 7,65 au poil qui appartient à l’armée, mais nous nous débrouillons pour avoir l’autorisation d’en acheter un à soi personnellement. Lesgourgues pourrait m’en avoir des très biens et, si je paux en avoir, j’en prendrai deux pour toi et moi natürlich. Sighteau et Richter sont depuis trois semaines en perm en Roumanie, il sont allés se marier. Quand nous étions à Moumour, nous avons eu très vite l’autorisation d’aller à Oloron et où on voulait. C’est bien mieux qu’ici. En effet, comme tu as pu le voir par l’en-tête de ma lettre nous avons quitté Moumour depuis une semaine (npus étions trop surveillés pour agir) et maintenant nous sommes au col d’Aubisque aux Eaux-Bonnes dans un grand hôtel, simple, mais où nous presque chacun une chambre.Il y a eu entre-temps, il y a environ cinq ou six jours, un nouveau contingent, mais tous ne sont des P.P.F. Et, sur 24 types, il y en a 4 de P.P.F.C’est pas beaucoup . Ici, maintenant, c’est évidemment plus caserne et bien moins qu’avant à Moumour. Ici nous, du moins les anciens, nous ne faisons pas grand-chose. La ville, qui est une station thermale, est presque déserte. On s’ennuie. Dans une semaine et peut-être moins, je vais avec les copains, les anciens et ceux du 1er contingent en perm. Quelle veine, je vais donc passer trois ou quatre jours à la maison. Au retour de perm voilà en quoi consistera notre travail, aller en civil deux par deux, je crois, dans n’importe quelle ville, Lyon, Marseille, Nancy etc…N’importe où, on sera envoyé pour enquêter sur untel ou untel soupçonné de de faire le passeur  ou d’activité communiste. C’est très joli, mais vis-à-vis de la maison de Papi, je me demande comment me débrouiller et surtout au point de vue correspondance.

Déjà j’ai annoncé le changement Moumour – Eaux-Bonnes, mais décemment je ne peux pas changer toutes les semaines!!!Aussi je suis très ennuyé. A ma permission je verrai Valat pour voir ça de près et au besoin, si on pouvait faire autrement, je verrais dans quelles conditions on peut revenir à Bx. et si on est vraiment dispensés du travail obligatoire, et tout et tout… Evidemment comme tu le penses je préférerais bien et de beaucoup continuer avec les copains, mais comment se débrouiller vis-à-vis de Papi et de la famille? J’ai décidé d’essayer d’attendre,ton retour d’Allemagne pour décidrtout ça ensemble, car si je pars et que après tu aurais voulu rester c’est embêtant. Enfin,je vais me débrouiller tant bien que mal jusqu’à ton retour.

Source: AD64. Cote 1031 W 166

O. Pigoreau publie cette même lettre, en annexe 2, dans son livre « SANGLANTE RANDONNEE »  sous le titre « Lettre de Jean dit  » Janick »  Danflou à son frère, interceptée le 2 juillet 1943 par un service inconnu et versée au dossier de la procédure contre Roland Doucelin devant le tribunal militaire de Paris (DCAJM, jugement n° 116:4103 du 16 février 1951) 

Pour consulter une synthèse de la présence de la Division Brandebourg dans les Basses-Pyrénées: cliquer ici.

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