Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Archives annuelles : 2014

Le camp du Polo de Beyris   1939 – 1947.

Le camp du Polo de Beyris 1939 – 1947.

Exposé de M. Claude Chadelle sur l’histoire du camp  à l’occasion de l’inauguration, le 13 décembre 2013, d’une borne mémorial dite « Borne des 4 Camps ».

                        Ce rassemblement autour de cette borne des 4 Camps est l’occasion de regarder sans fard, avec lucidité, cette part d’ombre de notre histoire: celle de la France de l’exclusion, de la France des camps.

                        Cet aspect de l’histoire n’a émergé que tardivement dans les années 80 – 90 grâce, notamment, aux travaux d’historiens comme Claude Laharie sur Gurs ou Denis Pechanski sur la France des camps.Il faut attendre le 16 juillet 1995 pour une reconnaissance officielle (discours du Président Chirac au vélodrome d’hiver). A partir de 1936 la guerre civile espagnole préfigure le conflit de 1939 – 45. Et, cette guerre mondiale, selon le mot de Mixel Esteban, va passer par le Polo de Beyris.

                        Vers 1920, la Côte basque attire en villégiature la riche société européenne. On dirait aujourd’hui la jet-set. Pour satisfaire cette clientèle, un particulier (Etienne Balsan) aménage dans le quartier de Beyris un terrain de polo sur 8 hectares. Autour d’une ferme et de ses dépendances – la ferme Kabana – il construit des bâtiments en dur (vestiaires, douches, chaufferie, cuisine, écuries). En 1937, le terrain de polo est vendu à la ville de Bayonne dans la perspective d’un lycée de filles et d’un terrain de sport. Aucune réalisation ne sera faite. Ce vaste terrain du polo de Beyris avec des bâtiments en dur mais vacant va devenir en 1939 un camp d’enfermement. De 1939 à 1947, il va refléter les vicissitudes de l’histoire européenne.

                        Quatre périodes vont rythmer l’histoire du camp selon la nature des internés:

1) sous la IIIème République, de février à octobre 1939, celle des républicains espagnols réfugiés en France,

2)après la défaite française, durant l’occupation allemande, celle de prisonniers de guerre français: les indigènes des troupes coloniales. Le camp devient le « frontstalag » n°222.

3)après la Libération, au temps de l’épuration, sous l’autorité du Comité départemental de Libération, celle des collaborateurs avérés ou présumés et des trafiquants du marché noir,

4)à compter de la fin de 1944, celle des prisonniers de guerre allemands .

De février à octobre 1939: le temps des réfugiés espagnols.

                        Pour fuir les bombardements, les premiers réfugiés espagnols s’installent dans les Basses-Pyrénées dès 1937. Jusqu’en 1938, ils profitent de la solidarité locale des représentants de l’état et de la population. A partir de 1938, la situation se dégrade en liaison avec les nouvelles tensions internationales.

                       Dans ce contexte, pour le gouvernement de la IIIème République, l’étranger devient un problème. L’heure est au recensement, à l’assignation, la mise en camp. Les réfugiés espagnols débordent les autorités. D’abord parqués dans les camps de la côte méditerranéenne, ils font rapidement l’objet d’un tri. Les hommes valides sont envoyés dans des camps d’internement tels que Gurs. Les malades dans des centres tels que, ici, Ilbaritz ou bien dans des refuges. Les femmes, les enfants, les vieillards sont envoyés par train dans toute la France. Un fort contingent est dirigé sur Bayonne.

                     En février 1939, le préfet des Basses-Pyrénées réquisitionne les bâtiments en dur du Polo de Beyris pour y envoyer ces réfugiés. Une première estimation à la date du 15 février 1939 parle de 600 enfants rassemblés à la ferme du camp. Une autre statistique, au 25 mars 1939, recense 43 vieillards, 240 femmes, 278 enfants. La promiscuité, la faim, le froid et la peur sont leur quotidien. Couchés à même la paille, dans le dénuement le plus complet, ils n’ont même pas la possibilité de sortir de l’enceinte.

                    Fin septembre 1939, le « centre d’hébergement » du Polo, selon la terminologie officielle, ferme.Les 260 femmes et enfants encore présents sont chargés dans des camions et reconduits de force à la frontière espagnole.

De l’automne 1940 à août 1944: le frontstalag 222: les prisonniers « indigènes »;

                   Le 27 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Bayonne. Le 27 août, en l’absence de toute formalité, selon la formule officielle, le domaine du Polo de Beyris est réquisitionné. Il va devenir le frontstalag 222.

                   Après la défaite de juin 1940, tous les prisonniers français (plus de 1,5 million dont près de 100 000 soldats « indigènes ») sont envoyés en Allemagne dans les camps dits « stalag ». Mais les autorités nazies décident de renvoyer en France tous les « indigènes » issus des troupes coloniales. Elles invoquent des prétextes climatiques qui ne peuvent cacher les véritables motivations raciales. On parle de « honte noire », de « contagion raciale », de « maladies importées ». A partir de l’automne 1940, dans la zone occupée, l’Allemagne ouvre des camps organisés à la hâte dont 3 en Aquitaine: Saint-Médard-en-Jalles (frontstalag 221), Onesse-Laharie (fronstalag 185) et celui de Bayonne: Beyris. Sur l’espace disponible 50 baraquements sont construits et le camp est entouré de fils de fer barbelés dominés par 5 miradors. Ils peuvent contenir de 5000 à 6000 hommes. Les premiers prisonniers arrivent le 14 novembre 1940 provenant d’une vingtaine de régiments coloniaux. L’entretien des prisonniers relève du gouvernement de Vichy, la garde des Allemands (souvent confiée à de vieux soldats).

                 Les conditions de détention sont particulièrement dures. Quelques exemples suffisent à l’illustrer; 80 hommes par baraque, une infirmerie démunie, les hôpitaux rattachés au camp tel celui de Bayonne sont un défi à l’hygiène selon un docteur, les vêtements sont en guenille et non renouvelés, une seule couverture, un café le matin et pour la journée une soupe claire, 300g de pain, 55g de viande.

                 Le quotidien est d’autant plus dur à supporter qu’il s’accompagne d’un travail forcé de 8 à 9 heures par jour au profit de l’autorité allemande: manutention et terrassement pour le mur de l’Atlantique, travail dans des dépôts de munitions (Port-de-Lanne), coupe de bois, charbonnage. Des commandos de travail et des camps annexes dépendent du Polo de Beyris, parfois assez éloignés: Labenne, Buglose, Morcenx.

                La population s’apitoie souvent sur ces hommes perdus et misérables, essaie de les aider. On fait passer du pain le long des grillages, dans les camions, la Croix Rouge et des bénévoles organisent de véritables repas autour de certaine fêtes (Noël, anniversaire de Pétain). Certains prisonniers réussissent à rester le dimanche dans les familles où ils travaillent. Les religions, catholique et musulmane, permettent l’autorisation de quelques fêtes. Des filières d’évasion sont même organisées (au péril de sa vie) sous des cargaisons de légumes, par des tuyaux d’évacuation, dans des cercueils.  Certians liens subsisteront après la guerre.

              Mais la mortalité est élevée avec un age moyen des morts autour de 30 ans. Sur des organismes affaiblis, peu habitués à notre climat, la maladie fait des ravages: paludisme, dysenterie et surtout tuberculose. Il faut y ajouter les accidents du travail.

               Beaucoup de ces jeunes hommes issus d’autres continents ne connaîtront pas la libération. Elle interviendra dans le plus grand désordre le 22 août 1944. (les Allemands évacuent Bayonne le 24). Les prisonniers sont soit hébergés chez l’habitant, soit en foyers. A la fin du mois, ils regroupés dans des casernes.

1944 – 1945 le temps de l’épuration.

               La libération s’accompagne d’une nouvelle administration, préfet et sous-préfet sont nommés dès août 1944 et un Comité de Libération est institué. Sous l’autorité de ce comité, des collaborateurs avérés ou présumés ainsi que des trafiquants du marché noir sont arrêtés. Près de 800 personnes (originaires de la région de Bayonne en majorité) passent par ce camp qui agit à la fois comme camp de détention administrative et comme centre de triage en attendant soit un transfert devant la justice, soit une assignation à résidence, soit une détention au camp de Gurs. Les derniers détenus « administratifs et politiques » selon les termes officiels partent pour Gurs le 20 avril 1945.

1945 – 1947 les prisonniers allemands.

               Ils arrivent dès la fin de 1944 et sont rassemblés dans la partie nord du camp. Ce sont de jeunes soldats de moins de 17 ans. Ceux qui arrivent en janvier 1945 sont beaucoup plus âgés. En avril 1946, l’effectif compte plus de 5000 prisonniers de guerre, il atteindra près de 8600 en juin. Les prisonniers sont répartis dans des camps annexes et des commandos. Ils sont affectés au déminage de la côte et au nettoyage du littoral.

             Le camp du Polo de Beyris ferme définitivement fin 1947.

En guise de conclusion.

             A la question: à quoi sert l’histoire? l’historien Pierre Nora répondait: « faire savoir, faire sentir, faire comprendre ». Cette borne des 4 camps, par ses évocations, répond à cette attente: »le Polo de Beyris se souvient afin de bâtir un monde libre et fraternel ».

             Son message appelle une espérance accompagnée : d’une connaissance sans tabou de l’histoire, d’une condamnation de l’exclusion, d’un appel à la compréhension de l’autre. C’est un rappel de l’idéal de l’Europe tel que l’ont voulu ses pères fondateurs au lendemain de la guerre: réconciliation, unité et partage d’un humanisme dans le respect des différences.

Pau

Références bibliographiques: ● Aboucaya (Thierry). Les associations paloises d’anciens combattants, T.E.R. U.P.P.A., 1998, 109 p. ● Association Mémoire Collective en Béarn. Mémoires de Pau. A.M.C.B., Imprimerie Bihet, Bizanos, 1996, 223 p. ● Bocquenet (Bernard). La censure régionale à Pau (1940-1944), T.E.R. U.P.P.A., Pau, 1985, 160 p. ● Dufréchou (D.). La vie politique à Pau (1936-1958), T.E.R. Bordeaux III, 1970.… Lire la suite

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Portet

  Références bibliographiques: ● Malabirade (Albert). Historique du combat de Portet (3 juillet 1944). Troupes S.S. d’occupation contre maquis Carnot du Corps Franc Pommiès, Editions Marrimpouey, Pau, 1952, 27 p. ● Malompré (Maxime) et Nicolas (Carole).  Le triangle de la mort en Béarn. Témoignages , Carnets du Vic-Bilh n° 1, Pau, 1975, 168 p. ● Malompré (Maxime)… Lire la suite

Bidart

Références bibliographiques: Poullenot (Louis). Basses-Pyrénées. Occupation. Libération. 1940-1945, J & D Editions, Biarritz, 1995, 366 p    – p.27-28 : point stratégique de la ligne de défense Todt     – p. 317 : nombre des immeubles détruits par les représailles allemandes : 2 Lieu de mémoire: Mémorial de la Seconde Guerre Mondiale et pour la paix. Le mémorial est érigé en… Lire la suite

Buziet

    Références bibliographiques: Bazan (Carmen). Mourir à Buziet (témoignage).   Poullenot (Louis). Basses-Pyrénées. Occupation. Libération. 1940-1945, J & D Editions, Biarritz, 1995, 366 p. – p. 198-204 : siège du premier maquis du département. Maquis créé fin novembre 1942 par les guérilleros espagnols incorporés dans le 526ème G.T.E. Le maquis est rapidement transféré à Pédehourat (hameau… Lire la suite

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