Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

CABARIOLS Georges.

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Témoignage de M. Cabariols Georges.
Extrait d’une lettre manuscrite adressée à M. Larrieu de Pau, communiquée par les services du Lycée Jacques Monod de Lescar (ex Ecole Normale d’Instituteurs).

Évocation des chantiers de jeunesse cantonnés à l’Ecole Normale d’Instituteurs (aujourd’hui Lycée Jacques Monod) et du bombardement de la base aérienne du Pont Long ( 27 mars 1944).

 

 

Rodez le 2/11/2000

M. Larrieu.

 

 

…….

Je vais répondre maintenant  aux renseignements que vous me demandez et vous faire l’histoire de ma vie «Chantiers» :

        Je suis né le 10 juillet 1923. J’aurais du être incorporé au mois de juillet mais comme j’étais ouvrier agricole pour les travaux d’été je bénéficiai d’un sursis de ‘ 4 mois. Le 6 novembre  43, j’étais convoqué à Mauriac (15 Cantal) que je rejoignis. Je restais 48 heures à Mauriac et l’on m’a envoyé à Vendes (13km de Mauriac 15 Cantal) à la coupe de bois et charbon de bois. Le groupement 25 (qui a été à Lunas-34-) a été dissous et avons été versés au service industriel. Nous remontons à Mauriac une douzaine de jours après et quelle destination : inconnu ! Nous restons 48 heures à Mauriac, le temps de nous équiper convenablement. L’on nous a mis par groupe de 15 jeunes et fait donner le nécessaire pour se raser la barbe. J’avais le n°15 et encore il n’est pas effacé sur l’étui de mon rasoir couteau. Cette action m a interrogé. Pourquoi ? Je me souviens que l’on a demandé des volontaires pour aller à la gare de Mauriac aider à décharger la roulante et l’avons bien entouré de bois ; en plus je me suis aperçu qu’il y avait 3 wagons de voyageurs (3ème classe) et tout cela bien accroché. Nous savions que nous prenions la direction d’Aurillac. Mais la suite était tenu secret. Alors j’ai dit si nous partons vers Neussargues, je descends du train au premier arrêt car c’était partir vers le nord et j’espère que vous me comprenez. Alors j’ai demandé au chef : où allons-nous ? Il m’a répondu : nous allons à Toulouse. Cela m’a réjoui, pensez un peu. On a voyagé de nuit. Le matin au déjeuner, j’ai demandé au chef : où allons-nous maintenant ? Il m’a dit Pau. Quelle joie ! Et arrivé à Pau, j’ai fait la même demande et il m’a dit : nous allons bientôt arriver, et en effet à 7km c’était Lescar. On nous a mis sur une voie de garage et avec tout notre barda nous avons rejoint l’Ecole Normale. Dans le train nous pouvions être 250. On est arrivé à Lescar à 3h de l’après-midi et avons passé la 1ère nuit tous mélangés. Le lendemain matin, des chefs d’équipe sont passés avec mission de constituer leur équipe. Je suis allé à l’équipe 6, groupe 1 dont le chef était un Alsacien de Mulhouse, séminariste nommé Schelcher, un chic type ; à l’équipe il y en avait un de Pau nommé C…. Rousse, second d’équipe qui avait choisi la vie monastique. Ses parents habitaient rue Montpensier et je n’ai pas eu de nouvelle depuis. A l’équipe 6 nous étions une majorité d’Aveyronnais, mais ces 2 là au mois de février ou mars ont été libérés (fin de leurs 8 mois).  Alors il y avait 2 groupes, groupe 1 et groupe 2, commandés par le chef Semon. Le chef du groupe 1 s’appelait Bulmé et celui du groupe 2 Dubalen. Au total à l’Ecole Normale nous étions 30. C’était le sous-groupement 155 et nous dépendions du groupement 44 (Jeanne d’Arc) qui était cantonné à Tarbes. A Tarbes, ils travaillaient à l’arsenal mais je ne connais pas leur effectif. Le groupe de Lescar a du être constitué en juillet 43 lors de la dissolution des chantiers (peut-être 3 mois plus tôt). Schelcher notre chef d’équipe ainsi que Rousse de Pau avait fait leur 8 mois fin février – début mars. Son activité : on travaillait à la base mais on ne la foutait pas lourd. Avec mon équipe et autres nous travaillons à la cantine, à la préservation des baraquements où habitaient les Allemands (plutôt des soldats autrichiens vieux qui ne demandaient guère que de rentrer chez eux). Schelcher parlant allemand s’entretenait avec le capitaine allemand qui lui donnait du pain blanc. Cet Allemand avait fait la guerre 1914-1918 et était bien sur anti-nazi. Aussi, quand nous le rencontrons dans le camp nous le saluons. Il n’en voulait pas de cette guerre, il avait compris.

Alors petit à petit, l’effectif s’est réduit, les uns étant libérables, les autres prenant le maquis ou rentraient chez eux. Beaucoup se faisaient porter malade et étaient facilement démobilisés. Ça se comprend. Les Allemands étaient forcés à la retraite sur tous les fronts et l’imminence du débarquement….Le 6 juin, jour du débarquement, le chef Semon et les cadres des groupes rejoignirent les F.F.I. Alors ce fut la pagaille complète. Nous étions nourris, payés par les Allemands seulement le mois de juin. Nous faisions seulement acte de présence. Fin juin,  on nous a fait creuser des trous le long de la route qui va de la route de Bordeaux – Pau au Pont-Long. Certainement en prévision de la défense de l’aérodrome. Les derniers temps on nous amenait au domaine de Sers où là on jouait aux carte 8 heures par jour, bien à l’ombre et sans être inquiétés, on nous apportait la soupe à midi…. Et rentrions à Lescar sous la chaleur. Bref, cela sentait la fin. Comment cela a-t-il fini ? Pour ma part je puis vous dire que, avec mon camarade Marcel Durand de la Boissonnade de Lie nous avons décidé de foutre le camp. Nous nous sommes munis de fausses permissions et le 13 juillet à 14h nous avons pris la direction de Pau, la gare. A la gare nous en avons rencontré d’autres qui foutaient le camp.. Nous avions amassé des victuailles pour le voyage. Bref, c’était la fin et nous nous attendions que rentrés chez nous, nous allions être mobilisés. Vers le 15/9/44, j’ai reçu chez moi une convocation m’enjoignant de rejoindre le camp de Larenne près de Toulouse avec (tout) mon paquetage auquel je ne répondis pas. Je fus rappelé au mois d’avril 1945 pour rejoindre l’armée à Béziers où je fus incorporé et mon service militaire finit à Toulouse le 15 mai 1946. Voilà mon final au service de la France.

b24 bombesPour reparler du bombardement de la base : voilà chez moi comment cela s’est passé. Il y avait huit jours que l’après-midi nous allions à Pau travailler pour la Croix Rouge (on déchargeait des paquets de biscuits pour les prisonniers). Alors à 14h15 je vais vers le camion arrêté devant le portail de l’Ecole. Je grimpe dessus à l’arrière. C’était un Citroën P35, 5 tonnes. Sitôt monté sur le camion, mon camarade Leris de Montbazens (12) me dit en patois : qu’est ce qu’il y a là-haut ? Des avions en formation de losange. Ils venaient tout droit sur nous de Bayonne. Le chauffeur du camion a dit : tout le monde est là, il faut partir, peut-être que ce sera pour nous. Nous les entendions à peine. J’ai eu le temps de les compter : 64. Puis d’un coup, ensemble, ils ont viré sur la gauche et nous avons dit : ce n’est pas pour nous. Et de suite il est descendu de la fumée jaune, 2 colonnes. J’ai vu descendre 7 ou 8 bombes, au soleil elles brillaient un instant et le camion a démarré et dans Lescar nous avons perdu de vue les avions. Nous disions : ça doit péter à la base ; nous n’avons entendu qu’une formidable explosion quand nous avons été à Lons à peu près. Un immense nuage de fumée s’est élevé du camp, de la base. Le lendemain il nous a fallu remonter à la base et nous avons constaté les dégâts… Le chef Semon, le soir du bombardement a réuni les 2 groupes dans la cour d’entrée de l’école et nous a recommandé surtout de ne pas toucher aux bombes non éclatées car il y en avait beaucoup à retardement. Au bord de la route, on les voyait. C’était des bombes incendiaires. Un gars de l’Hérault qui se croyait plus malin que les autres s’est détaché du groupe et a dit : je vais te faire voir moi. Il en prend une (25kg), la prend dans ses bras à l’insu du chef et voilà bien souvent comment arrivent les catastrophes : elle aurait explosé, nous étions une trentaine. Alors les premiers jours notre travail à la base fut de récupérer les biens des soldats allemands dans les baraquements démolis, et surtout une recommandation : ne mettez rien dans vos poches des objets que vous aurez trouvés. Deux ou trois jours après, il y eut un contrôle par les Allemands, une fouille des poches et il y en eut 13 qui se firent coincer. C’était le soir à 17h. Alors nous rentrâmes à Lescar et les 13 incarcérés sur place. A la nouvelle à Lescar le chef Semon monte à la base pour les faire libérer et après maintes palabres ils les relâchèrent avec un coup de pied sec dans le derrière. Heureusement que le chef Semon avait de bons rapports avec le commandant allemand de la base. Ils ont eu chaud. ..

Avant le bombardement l’équipe 6 nous allions à la gare de Lescar décharger des bombes de sur les wagons. 500kg, 250kg, un peu tous les calibres car, au Pont Long, il devait venir une escadrille de Stukas. Ils avaient réquisitionné M. Hourcade de Lescar pour les transporter. Avec un camion de 5 tonnes, avec 6 bombes le camion avait pleinement la charge. Il fallait des rouleaux de fer et barres de fer pour pouvoir les déplacer. Les avions ne vinrent jamais  mais le colonel de la base pétait le feu. Le chef Semon nous disait : il ne veut même pas me recevoir. C’était pas le moment de faire les imbéciles. Il resta 3 semaines et un ouf de soulagement pour le chef Semon.

Vous me parlez du bombardement le 27 mai 1943. Cela doit être une erreur car nulle part après cette date je n’ai constaté aucune dégradation au Pont Long où que ce soit. On a bien arrangé la chapelle de l’aviation et qui ne subit presque aucun dommage lors du bombardement. Les vitraux en ont pris quelque peu et ensuite il nous fallut avec des paysans de Lescar réquisitionnés avec leurs vaches et tombereaux reboucher les trous de bombes en bout de la piste sud. La piste nord ayant été épargnée, le trafic de la piste sud ayant été déplacé à la piste nord. Début juin, nous avons assisté au départ des avions allemands (beaucoup étaient français) du Pont Long. Parait-il qu’ils allaient à Lyon. Sur la piste nord, il restait encore un seul avion (un Messerschmitt). Il décolla et voulut atterrir à nouveau mais son train d’atterrissage ne s’est pas ouvert correctement (il n’y avait personne pour le lui signaler) et nous l’avons vu très bien se poser sur le ventre et allait s’arrêter pile devant un hangar. Il laissa son avion sur place. Et après sur le Pont Long, c’était le vrai calme. Plus de bruit….C’était notre passe-temps……

 

Notice des Renseignements Généraux sur le bombardement du Pont-Long. Cliquer ici.

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